Dictionnaire de la Littérature Orale

La littérature orale au CMLO

La littérature orale

Mythes, épopées, légendes, contes, chants, proverbes, devinettes…constituent, dans le patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, ce que le CMLO définit comme littérature orale

L’officialisation d’un oxymore

Le terme et le concept de littérature orale est un oxymore  que l’histoire (ou la légende) attribue en général à Paul Sébillot.

Celui-ci en 1881, à la suite de recherche et d’une collecte en Bretagne, se trouva fort embarrassé pour donner un titre à sa publication. En effet, les récits qu’il avait recueillis n’étaient pas des écrits, mais ils avaient volonté de faire œuvre et étaient tous très stylisés. De plus, malgré quelques variations, beaucoup étaient construits sur un même socle, sur un même type de structure…
Ces récits étaient-il littéraires ou pas ? Ne voulant pas trancher, il intitula alors sont ouvrage « Littérature orale de la Haute Bretagne ». L’expression fit fortune en France puisqu’une chaire de littérature orale existe de nos jours et que de nombreuses revues scientifiques utilise cette terminologie.
Les linguistes (Claude Hagège, Remi Dor…) préfèrent à cette expression un terme un peu plus rugueux, mais peut-être plus efficace, celui d’« Orature » (voire d’Oraliture Chamaseau). Ce terme a l’avantage de créer un parallèle de création narrative qui n’entretient pas de confusion avec l’écriture. Mai ceci ne nous dit pas vraiment  ce qu’est la littérature orale.

La définition est toujours difficile dans le sens où, comme souvent, chaque utilisateur tend à la définir en fonction de  sa pratique.
Geneviève Calame-Griaule (ethnolinguiste et directrice de publication des « Cahiers de littérature orale ») la définit ainsi :

La littérature orale est  la partie de la tradition qui est mise en forme selon un code propre à chaque société et à chaque langue, en référence à un fonds culturel […]  La mise en forme codifiée du fonds culturel est déterminée par des genres dont chacun obéit à des règles déterminant le mode d’énonciation […] et la structure  […] Cette littérature vise à la permanence, à la stabilité, à la fidélité ; elle n’est pas censée inventer mais reproduire. Ce souci de permanence va cependant de pair  avec une variable de fait, qui s’explique par des mutations historiques et sociales aussi bien que par une relative création individuelle, celle-ci restant généralement cantonnée au domaine de la forme…

La littérature orale est généralement caractérisée par le fait que les récits qui la composent sont anonymes, semi fixés, objets de variantes.

Calame-Griaule Geneviève, 1977, « Pour une étude des gestes narratifs » dans Langage et cultures africaines: essais d’ethnolinguistique, études, s.l., F. Maspero, vol.15, p. 303‑359.
Calame-Griaule Geneviève (19-2013) Auteur, 1965, Ethnologie et langage : la parole chez les Dogon, s.l., Gallimard.
Dor Rémy Éditeur scientifique et Strassmann Susanne, 2000, Contes et légendes de Centre-Asie: jadis de jadis, quand ce qui existe n’était pas, Paris, France, Flies France, 285 p. Download
Sébillot Paul (1843-1918) Auteur du texte, 1881, Littérature orale de la Haute-Bretagne / par Paul Sébillot, Paris, France, Maisonneuve & Larose, 444 p.

La littérature orale est une matière vivante d’une richesse infinie. Dans l’optique du CMLO, ce véritable trésor de l’humanité est abordé dans quatre dimensions :

Sa répartition en genres qui sans être étanches ont des intentions, des orientations  et des fonctions particulières que l’on retrouve à des niveaux différents dans différentes civilisations.

Sa réalité culturelle. Même si les genres ont des dimensions universelles, ils sont malgré tout producteurs de récits ancrés dans une culture singulière. Cette relation au contexte est essentielle pour aborder correctement ce type de littérature.

Ses applications contemporaines. De tout temps, les récits de la littérature orale ont permis à des communautés de se distraire, mais aussi de transmettre des codes, des valeurs, des représentations, des logiques symboliques fondatrices de la cohésion sociale du groupe. Aujourd’hui encore cette littérature peut avoir des fonctions bénéfiques multiples.

Sa dimension artistique.
La diffusion du néocontage à partir des années 1980 a développé la figure d’un conteur de nouvelle génération qui, tout en prenant en compte la performance de son spectacle, n’oublie pas les racines auxquelles il puise pour réaliser son travail.

Les genres

Le travail de recherche du CMLO, en s’appuyant sur les études de chercheurs, universitaires, conteurs, collecteurs de terrain qui se sont intéressés à la littérature orale a mis en lumière différents genres dans lesquels la littérature orale s’articule.

Une hypothèse travaillée par le Centre Méditerranéen de Littérature Orale, depuis déjà de nombreuses années, c’est que chaque genre de la littérature orale serait en fait porteur d’une fonction spécifique qui lui donnerait sa structure et sa forme. Cette spécificité serait moteur de la création d’une forme narrative propre à chaque genre, mais aussi de modes spécifiques de narration et d’adresse à l’auditoire.

Les ancrages

Les différents genres et œuvres de la littérature orale sont ancrées profondément dans un contexte social, culturel et géographique qui leur sont propres. Il est impossible d’en saisir la complexité en faisant abstraction des sociétés et des cultures dans lesquelles ces œuvres ont pris vie. Le CMLO a donc analysé les différents ancrages de la littérature orale dans le but d’une compréhension qui va au-delà de ces mêmes frontières.

Les applications

L’’oralité et la littérature orale sont aujourd’hui’’hui reconnues comme des éléments importants dans le cadre du développement social et culturel de chaque individu. Au-delà de la culture écrite, elles permettent de conscientiser la valeur de la parole dans l’’acquisition des savoirs, dans la structuration de l’’humain et dans ses relations quotidiennes. Elles mettent aussi en exergue un patrimoine immatériel universel important pour l’’histoire de l’’humanité.  Les représentants des Ministères de la Culture et de la Communication, de l’’Éducation Nationale, et de la Francophonie ont ouvertement témoigné leur volonté de prendre en compte ces disciplines dans leurs projets.

L’’intérêt affirmé pour ces disciplines engendre aujourd’’hui des demandes de plus en plus importantes dans des secteurs très divers : bibliothécaires, enseignants, éducateurs spécialisés, animateurs sociaux en situation d’interculturalité, métiers du tourisme, chercheurs et étudiants en sciences humaines et sociales (’historiens, ’ethnologues ou l’’anthropologues, linguistes, etc.), les thérapeutes (psychologues, les psychanalystes, les orthophonistes, les arts thérapeutes, médecins, etc).
Il est cependant nécessaire de conclure cette ébauche d’’inventaire par les artistes conteurs. Ils occupent une place centrale car ils contribuent à élargir, renouveler l’univers du sensible et de l’imaginaire pour les publics les plus divers et à faire rayonner par leur pratique, la transmission d’une forme orale du récit et à maintenir vivant ce patrimoine universel.

Une approche transdisciplinaire

Quelques chercheurs s’appuyant sur la littérature orale dans le cadre de leur discipline :
Pédagogie : Nadine Decourt – Susy Platiel – G. Rodari
Anthropologie, ethnologie, Folklore : Claude Lévi-Straus, Jean-Noël Pelen, Daniel Fabre, Arnold Van Gennep, Nicole Belmond, Denise Paulme, Paul Sébillot, Paul Delarue, Marie Louise Ténèze, Claude Gaignebet, Jacques Goody, Camille Lacoste Dujardin
Psychologie, Psychanalyse, psychiatrie : Sigmund Freud, Karl Jung, Marie-Louise Von Franz, Bruno Bettheleim, Pierre Lafforgue, François Flahaut, R.. Kaes, C. La Genardière….
Histoire : Jacques Le Goff – Claude Lecouteux
Linguistique : Vladimir Propp, Claude Bremond, A.J Greimas, Geneviève Calame-Griaule (Ethnolinguiste), Georges Dumezil, Joseph Courtés, Claude Hagège
Sociologie : Maria Patrini
Histoire des religions : Micea Eliade, Salomon Reinach
Littérature : Marc Soriano, Pierre Saintyves,  Paul Zumthor, Bricout Bernadette, C. Velay Valantin 
Philosophie : Walter Benjamin, Paul Ricoeur
Etude de l’imaginaire : Gibert Durand, Gaston Bachelard . G. Rodari
Art de la narration Orale : A. Jolles

Pour aller plus loin

Adam Jean-Michel, 1984, Le récit, Paris, Presses universitaires de France (coll. « Que sais-je ? »).
Belmont Nicole, 1999, Poétique du conte: essai sur le conte de tradition orale, Paris, France, Gallimard, 250 p. Download
Belmont Nicole, 2016, " Jack Goody, Mythe, Rite & Oralité ", Cahiers de littérature orale, 1 janvier 2016, no 79. Download
Calame-Griaule Geneviève (ed.), 1991, Le Renouveau du conte =: The Revival of storytelling, Paris, Editions du Centre national de la recherche scientifique : Presses du CNRS, diffusion, 449 p. Download
Calvet Louis-Jean, La tradition orale, Paris, Presses Universitaires de France - PUF (coll. " Que sais-je ? ").
Courtés Joseph Auteur du texte, 1986, Le conte populaire : poétique et mythologie, s.l.
Decourt Nadine, 2021, " Présentation " dans Jean-Baptiste Martin (ed.), Littérature orale : paroles vivantes et mouvantes, Lyon, Presses universitaires de Lyon (coll. " CRÉA "), p. 7‑18.
Deulin Charles (1827-1877) Auteur du texte, 1878, Les contes de ma mère l'Oye, avant Perrault, s.l.
Goody Jack, Paulme Denise et Ferroli Pascal, 1994, Entre l’oralité et l’écriture, Paris, France, Presses universitaires de France, 323 p. Download
Gougaud Henri et Salle Bruno de La, 2002, Le murmure des contes, s.l., Desclée de Brouwer, 328 p.
Hernandez Soazig, 2006, Le monde du conte: contribution à une sociologie de l’oralité, Paris, France, Hongrie, Congo (République démocratique du), 317 p. Download
Journées d’études en littérature orale et Groupe de recherche en littérature orale, 1990, D’un conte... à l’autre: la variabilité dans la littérature orale, Paris, France, Editions du Centre national de la recherche scientifique, 1990, 603 p. Download
Levrault Léon et Delaplane Paul, L'épopée : l'évolution du genre, s.l.
Montandon Alain et Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines (eds.), 2002, L’hospitalité dans les contes:, Clermont-Ferrand, France, Presses universitaires Blaise Pascal, 409 p. Download
Murphy William P., 1978, " Oral Litterature ", Annual Review of Anthropology, 1978, vol. 7, p. 113‑136.
Patrini Maria, 2002, Les conteurs se racontent, Genève, Suisse, éd. Slatkine, 320 p. Download
Perrot Jean et Perrault Institut international Charles, 2004, Les métamorphoses du conte, s.l., Peter Lang, 400 p.
Petitat André et Contes et théorie du récit, 2002, Contes: l’universel et le singulier, Lausanne, Suisse, Editions Payot, 221 p. Download
Propp Vladimir Iakovlevitch, Gruel-Apert Lise, Fabre Daniel Préfacier et Schmitt Jean-Claude Préfacier, 1983, Les racines historiques du conte merveilleux, Paris, France, Gallimard, xxii+484 p. Download
Raphoz Fabienne, 2003, Des belles et des bêtes: anthologie de fiancés animaux, s.l., Corti, 458 p.
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Sahuc Philippe, 2001, La notion d'oeuvre orale, Paris, Ministère de la Culture (coll. " Mission du Patrimoine ethnologique ").
Simonsen Michèle et Simonsen, Le conte populaire, s.l., (coll. « Littératures modernes »).
Soriano Marc, 1980, Les contes de Perrault: culture savante et traditions populaires, Paris, France, Gallimard, 525 p. Download
Ténèze Marie-Louise, 2004, Les contes merveilleux français: recherche de leurs organisations narratives, s.l., Maisonneuve & Larose, 172 p.
Wanlin Nicolas, 2004, « Quatrième de couverture » dans Les contes merveilleux français: recherche de leurs organisations narratives, s.l., Maisonneuve & Larose.
Wunenburger Jean-Jacques, 1991, L’ imagination, 1. éd., Paris, Presses Universitaires de France (coll. « Que sais-je ? »), 127 p.
Zumthor Paul, 1983, Introduction à la poésie orale, Paris, France, Éditions du Seuil, 307 p. Download
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