Conte Chinois . Déesse des vers à soie

Dans la Chine ancienne, une jeune fille et son père, un marchand assez prospère, avaient un grand cheval aux yeux d’orage, aux sabots de tonnerre, qui comprenait tout ce que disaient les humains. Un jour « Ma fille, je vais au-delà de la montagne pour faire affaire, je reviendrai dans quelques jours. En attendant, restes avec le cheval ».

Le père parti, la fille faisait fièrement des promenades en ville sur son cheval, elle lui tressait la queue, lui nouait la crinière. Mais les jours passaient, puis les semaines, le père ne revenait pas. Elle allait demandant « Savez-vous où est mon père ? » mais personne ne lui répondait vraiment. Un jour « Cheval mon seul ami, je n’en peux plus d’inquiétude pour mon père. Mon cher cheval, si tu ramènes mon père, je t’épouserai » Aussitôt, le cheval remua les oreilles, piaffa, et partit au galop jusqu’à l’horizon et disparut. Quelques jours après, la jeune fille vit le cheval revenir portant sur son dos son père vieilli, fatigué, qui s’était ruiné en pays étranger. Quelle joie de se retrouver !

Le père et la fille reprirent leur vie dans la maison, appauvris mais ensemble. Mais le cheval restait à l’écurie et la jeune fille n’allait plus jamais le voir. Le père lui donnait les meilleurs grains, le meilleur foin, mais le cheval furieux renversait sa mangeoire, bronchait, piaffait. « Ma fille, je ne comprends pas ce cheval, je lui serai toujours reconnaissant de m’avoir sauvé, mais il est devenu intraitable ». « Père, moi aussi j’ai très peur de lui… Il faut que je l’avoue, tu es parti trop longtemps, je languissais trop, je m’inquiétais et personne ne voulait m’aider. Alors j’ai promis au cheval que je me marierai avec lui si il te ramenait ». « Je vais régler cette affaire moi-même ».

Le lendemain « C’est jour de marché, ma fille, achètes de quoi manger pour une semaine, voici un peu d’argent, nous n’en avons plus beaucoup » Une fois sa fille partie, le père prit son arc, une flèche, entra dans l’écurie, et zwap !!! Une seule flèche, le cheval était mort. Puis il dépouilla la peau et la mit à sécher sur un arbre. Quand la fille revint « Ohooo Hoo ! Mon cher cheval » Elle se précipita vers la peau qui séchait et se mit à la peigner, à tresser la queue et faire des petits nœuds à la crinière comme lorsque le cheval était vivant. Et la peau frémit, et ce ne fut pas le cheval qui prit vie, ce fut la peau du cheval qui descendit de l’arbre, enveloppa la jeune fille et s’envola avec elle dans les airs.

Pendant le voyage, la fille et le cheval se sont aimés, se sont mélangés, se sont transformés, et ils sont devenus une seule personne : une femme à tête de cheval. Au bout de trois lunes et trois jours, la femme à tête de cheval est arrivée dans la vallée des mûriers, et c’est là qu’elle s’est posée. C’est là qu’elle a donné naissance à deux cocons. Des cocons sont sortis deux papillons, un mâle et une femelle. Les papillons se sont accouplés et la femelle a pondu cinq cents œufs, d’où sont sortis cinq cent minuscules chenilles.

La femme s’extasiait « Comme vous êtes mignons, mes petits enfants ! Je vais vous donner à manger de toutes petites feuilles de mûrier ! » Et les petites chenilles vers à soie « Croc croc croc », dévorèrent les feuilles, et grandirent. La femme leur donna de plus grandes feuilles « Croc croc croc », les vers à soie dévorèrent et grandirent. Elle leur donna des feuilles encore plus grandes « Croc croc croc », ils dévorèrent et grandirent. Un jour les vers à soie s’enroulèrent dans un fil qui leur sortait de la bouche, enroulés, enroulés, cela fit un cocon.

Maintenant la femme à tête de cheval vit au milieu des mûriers et des cocons. Un jour qu’elle prenait le thé au pied d’un mûrier, pop ! Un cocon tomba dans l’eau brûlante ! « Ah zut adieu mon thé… Mais ce cocon se desserre ! Avec cette brindille je vais dérouler le fil » Elle tira le fil, tira, tira, il n’en finissait pas ce fil de soie ! Et il était beau, fin, brillant !

La femme prit l’habitude de dérouler les cocons, faisant des pelotes de soie fine. Elle avait maintenant trop de pelotes, et après beaucoup d’essais, elle réussit à tisser ces fils, et l’étoffe qu’elle fit était légère, fine, brillante. Avec les panneaux de soie, elle se fit une maison douce et chaude comme un cocon, trop douce, trop chaude.

Un jour elle décida « Cette soie, je dois la partager ». La femme découpa des étoffes en petits carrés, elle mit au milieu une tasse à thé vide, un cocon et une pelote de soie, puis elle ferma les tissus, et cette nuit-là, s’en alla avec ses petits cadeaux au village voisin, les posant devant les portes des femmes. « Celle-ci est intelligente, celle-ci a le sens du commerce, celle-ci est travailleuse et habile » Au matin, les femmes « Oh un petit paquet à ma porte ! » Les villageoises se réunirent et au cours des temps suivants, elles essayèrent, travaillèrent, défilèrent les cocons, et inventèrent un métier à tisser la soie.

Maintenant dans la vallée des mûriers, les rires des jeunes filles retentissent « Déesse des vers à soie, femme à tête de cheval » « Ah je l’ai vue, funambule sur un fil de soie » « Déesse, dois-je me marier ? » « Y a-t-il un homme qui me respectera et m’aimera ? » « Déesse, je travaillerai toujours la soie, c’est si beau, si doux ! » Et la femme à tête de cheval donne à chaque fille un fil pour guider sa vie.

C’est pour cela que dans la Chine ancienne, on dit que les vers à soie ont pour ancêtre un cheval !

 

 

Conte raconté par Sylvie Ferrandier


Source :

Lacotte Elza, 2014, La déesse des vers à soie, Illustrated édition., Charenton-le-Pont, Le ver à soie, 48 p.