Légende luxembourgeoise  Le cocher de la mort

Jadis vivait à Sterpenich (Grand Duché de Luxembourg) un seigneur, peu compatissant et dur envers le petit monde.
Certain jour, il fit appeler son coureur habituel et lui dit : « Tu vas porter cette lettre à son adresse, à vingt lieues d’ici, et tu rapporteras la réponse avant la nuit. Il est bien entendu que tu feras la route à pied ».
L’infortuné messager se mit en route en pleurant, car il savait  que ce que le seigneur exigeait de lui était irréalisable.
Chemin faisant, il fit la rencontre d’un nain conduisant un char, attelé de quatre chevaux blancs.
Le nain, voyant le messager tout en nage, lui offrit de le prendre sur son char et de le conduire à destination.
Inutile de dire que l’offre du nain fut aussitôt acceptée. Par ce moyen cette longue distance put être franchie, et avant la nuit le coureur rapportait la réponse à son maitre.
Le seigneur, en apercevant son serviteur, ne put s’empêcher de s’écrier :
« Il est impossible que tu aies déjà fait ta course, tu me trompe, montre ta réponse ».
Le coureur, en présentant la lettre à son maître, répondit :
 – Si je suis déjà de retour, je le dois à un nain qui conduisait un char attelé de quatre chevaux blancs et qui a bien voulu  me conduire à destination.
– Oh! la bonne plaisanterie, reprit le seigneur, quel est ce nain ?
–  Ce nain m’a dit qu’il était le cocher de la mort et qu’il viendrait ce soir, vous prendre avec son char attelé de quatre chevaux noirs.
À ces mots, le seigneurs de Sterpenich chancela et tomba inanimé ; la frayeur l’avait tué.
Le soir, en effet le nain, conduisant un char attelé de quatre chevaux noirs, entra dans la cour du Castel.
S’étant dirigé vers la chambre mortuaire, il emporta le corps du défunt et depuis lors on ne le revit plus dans la contrée, pas plus que son funèbre équipage.

Source : Alfred Harou, légende recueillie à Reclange, Grand Duché du Luxembourg, in Revue des Traditions Populaires, volume XI, n°12, p. 662 – consultable sur Archiv.com, Archives de littérature du Moyen Age, cataloguée par Indiana University

Note : Une des versions de cette légende luxembourgeoise a été publiée sous le titre  » Le nain de Sterpenich » dans un ouvrage datant de 1884, « Itinéraire  du Luxembourg germanique ou voyage pittoresque dans le Grand Duché »  du Chevalier L’Evêque de la Basse Moûturie, chapitre II, p. 72-73. Passant par Sterpenich, l’auteur recueille une légende qui expliquerait l’étymologie du nom de la ville. La légende dit que le châtelain saisit d’épouvante quand son serviteur lui dit que le nain viendra le prendre et le conduire à sa dernière demeure se serait écrié « Sterher ich ? » (Est-ce que je meurs ?) et il mourût.

Cette légende est encore racontée par les habitants de Sterpenich aux voyageurs.