La Helle, fée des marais : conte de l’Île de Man
Entre Angleterre et Irlande, est posée l’Île de Man. Et au milieu de cette île, se trouve un marécage habité par une fée maléfique, la Helle. Celle-ci transforme les hommes en poissons et les jette dans son vivier, où ils tournent indéfiniment, indifféremment, sans souvenir et sans avenir. Comment fait la Helle pour attraper les hommes ? Les soirs de brume, elle accroche de petites lumières dans les buissons du marais. Les marcheurs attardés croient voir leur village et rassurés, ils se dirigent vers ces lumignons. Mais bientôt leurs pieds s’enfoncent dans la boue, certains y perdent même leurs chaussures, lorsqu’ils croient se sortir de là, les longues herbes d’eau entourent leurs jambes, les entravent, et les hommes tombent dans l’eau boueuse. Certains se noieraient si la fée ne les saisissait pas. Et hop, un poisson de plus dans le vivier !
La Helle a une autre manière d’attraper les hommes : les soirs de brouillard elle se poste juste devant les maisons et joue de la flûte, et les hommes sortent et la suivent. Ce soir-là, le bûcheron Budick venait de rentrer chez lui et de retrouver son fils Robin, ils vivaient seuls dans la maison. Avec un soupir d’aise le bûcheron, assis jambes tendues, dos au chaud devant la cheminée s’apprêtait à plonger sa cuillère dans la soupe que son fils venait d’apporter, lorsque … un son fragile de flûte dehors, la Helle ! Budick se leva et se dirigea vers la porte. Son fils essaya de le retenir, tira sa manche, son bras, cria, mais le père irrémédiablement s’en alla, suivant la musique fluette de la fée. Un poisson de plus dans le vivier !
Robin attendit, en vain. Dès le lendemain le jeune garçon alla dans la forêt et devant le plus grand arbre, il appela « Puck, roi des Elfes, Puck mon ami, mon père est parti! ». Un bruissement de feuilles, et Puck parut « Je sais, Robin. Voici comment tu pourras délivrer ton père. Il te faudra ces trois objets : un couteau de fer, une clochette d’argent et une branche de chêne couronnée de gui. Mais tu dois attendre jusqu’ la saint-Jean d’été ». Les mois paraissaient longs au garçon, mais il se débrouillait bien et c’est en pleine santé qu’il arriva à l’été. Ce jour-là, le plus long de l’année, les gens montaient sur les collines, allumaient des feux, mangeaient et buvaient, riaient et chantaient, sautaient et dansaient. Quelle était belle la nuit la plus courte de l’année!
Robin, lui, n’alla pas faire la fête, il descendit vers le marais et appela trois fois « Feu follet, feu follet, guides moi vers le vivier » Apparut une flamme qui par les sentiers secs au milieu du marécage, emmena Robin devant le trou d’eau où tournaient indéfiniment, indifféremment, les poissons, sans souvenir qu’ils avaient été des hommes. « Père ! » aucun poisson ne se retourna. Alors Robin prit le couteau et dit par trois fois « Couteau de fer, couteau de fer, brises le maléfice de la Helle » Et il jeta le couteau dans le vivier. Aussitôt l’eau s’évapora, et les poissons se transformèrent, redevinrent des hommes. Parmi eux, Budick, le père de Robin, et aussi pas mal de voisins qui avaient disparu depuis longtemps. Mais la fée menaçait de les poursuivre, alors le jeune garçon dit par trois fois « Clochette d’argent, clochette d’argent, attaches-toi à l’ombre mauvaise » Alors la clochette se précipita au-dessus de la tête de la Helle, la suivant partout, impossible de s’en débarrasser, impossible de l’attraper, si bien que la fée s’enfuit dans le marécage, entravée par les longues herbes. Le feu follet emmena Robin et les hommes sur le chemin sûr. « Maintenant, j’ai à faire, dit Robin, rentrez chez vous ou allez danser, ce sera une surprise pour vos familles! »
Lorsque le garçon fut seul, il prit la branche de chêne couronnée de gui, et dit par trois fois « Je fus graine dans la terre, je fus bois en m’élevant, je fus feuillage tremblant au vent, je serai aigle dans les airs » La branche se transforma en un grand aigle qui étendit ses ailes et Robin monta sur son dos. L’aigle prenant son envol l’emmena juste devant sa maison, et au moment où le jeune garçon mettait pied à terre, l’aigle se transforma et devint … Puck le roi des Elfes. « Puck mon ami, c’était donc toi, l’aigle ? » « J’étais l’aigle, la branche, et beaucoup d’autres choses, mais surtout j’étais ton courage qui t’accompagnait. Robin, tu n’as plus besoin de moi maintenant, nous ne nous reverrons plus ». Quant à la Helle, elle a perdu tous ses pouvoirs, elle n’est plus qu’une légende à raconter.