Les Baies d’amour

Conte Amérindien (Amérique du Nord)

Ils étaient jeunes, ils étaient beaux, mariés depuis peu et très amoureux. Jusqu’à maintenant, ils ne s’étaient jamais disputés, tout en harmonie ils n’étaient qu’une personne, une pensée. Or un jour, clash ! On ne sait sur quel sujet, une dispute éclata ! La femme sortit de son tipi, mit ses mocassins, prit son sac et la voilà partie. La colère la fit marcher droit devant elle sans rien sentir d’autre.

L’homme d’abord se crut tranquille, mais bientôt il ne vit plus autour de lui que les endroits où elle se tenait d’habitude, et où elle n’était plus. Il voyait les objets qu’elle avait l’habitude d’utiliser, et qu’elle n’animait plus. Il pleura.

Il pleurait encore lorsqu’un Esprit Joyeux vint à passer, volant au-dessus du tipi. « Mais tu pleures, jeune homme, pourquoi donc ? » Et l’homme raconta tout à l’Esprit Joyeux. Celui-ci dit « Ta femme ? Je l’ai vue dans la prairie, elle se dirige vers la forêt. Tu veux la rattraper ? Tu veux que je la ralentisse ? » L’homme déjà était debout, prêt à partir. « Prends ton arc, tu tireras une flèche, la flèche suivra toujours le chemin qui va vers elle. Moi je prends un raccourci » Le jeune homme tira une flèche qui partit vers l’Est, très vite il partit. L’Esprit Joyeux fila sur le vent dans la même direction.

La jeune femme entrait dans la forêt, enfermée dans son ressentiment pour ne pas réfléchir, marchant d’un pas décidé.  L’Esprit Joyeux fit fleurir les arbres autour d’elle : la femme ne regardait rien, ne sentait rien, marchant sans faiblir. L’Esprit fit fruiter les arbres autour d’elle, mais de ces beaux fruits jaunes, noirs, rouges, elle ne remarquait rien, seulement elle marchait regardant droit devant elle. Bien loin, son mari se hâtait, lançant des flèches et se rapprochant peu à peu, mais il était encore loin et ne savait pas vraiment où elle était.

L’Esprit Joyeux fit naître, fleurir et fruiter devant la jeune femme des petits fruits rouges en forme de coeurs. Placés au ras du sol, elle ne pouvait pas ne pas les voir, mais toujours remâchant sa colère, elle ne les vit pas. Alors l’Esprit donna un parfum aux petits coeurs. La femme marcha dessus et le parfum s’exhala, la femme le respira et enfin cet arôme parvint à son cerveau. « Ah ! Des petits fruits, jolis, odorants. Hum ! Ils sont bons en plus ! » Alors la jeune femme cueillit une grande feuille de rhubarbe, en fit un cornet, le ferma avec une brindille et se mit à cueillir les fruits, elle en remplit le cornet, toute contente. Puis : « Ah si mon mari était là, on pourrait partager ce plaisir » Et la nostalgie l’envahit. Pensive elle se retourna et reprit le chemin de sa maison.

Mais qui était là-bas, au bout du chemin, mais c’était son mari qui courait vers elle ! Ils s’embrassèrent. Et entre eux, un beau coeur odorant à partager. Ces petits fruits, ils les ont nommés « des Fraises ».