Conte irlandais . Jack O’Lantern

Dans la vieille Irlande, il y avait un paysan : Jack. Ce n’était pas mauvais homme, mais il était paresseux, ivrogne, avare.

Vous savez qu’à cette époque-là, Dieu dans le ciel et le Diable sous la terre, se disputaient le sort des hommes.
Au Paradis, Dieu disait : « Ce Jack, il ne fait rien de bien de sa vie, il se laisse aller, s’il continue, je ne le prendrai pas au Paradis ».
En Enfer, le Diable disait : « Ce Jack, il est presque mûr pour l’Enfer, c’est un bon à rien mais il ne fait pas d’assez grosses bêtises »

LE MENDIANT

Un jour, Jack allait au marché, plutôt au pub du marché mais c’était la même direction. Au coin d’une rue, un mendiant :
« Une pièce, s’il vous plaît, pour manger».
Jack n’aimait pas voir les mendiants car ou bien il devait sortir une pièce de son porte-monnaie d’avare, ou bien il ne donnait rien et avait mauvaise conscience.

Et voilà qu’en approchant de l’homme pauvre, Jack voit, là, dans le ruisseau, une pièce d’or, qui brillait ! Jack la ramasse et la glisse dans sa poche «Voilà de quoi payer une tournée aux amis. Il ne verra rien, lui, le mendiant ». Puis il passe devant le mendiant :
«Pas de chance, je n’ai rien à te donner aujourd’hui »

A peine avait-il tourné le coin de la rue que Jack sent sa poche bouger, s’agiter, c’était la pièce qui sautait ! Jack retire sa main et il fait bien car… Ffuitt ! … soudain, devant lui, le Diable en personne !
« Ah ! Ah, Jack ! Tu es fier de toi ? Tu sais que je te guette depuis longtemps, Jack. A ce rythme là, je finirai bien par t’emporter en Enfer ! »
Et… Ffuitt ! … le Diable disparaît.
Jack est bien allé à la taverne du marché mais ce jour-là, devant sa chope de bière, le cœur n’y était pas.

AU PUB

Quelques temps après, Jack s’était remis de ses émotions. Il était attablé au pub avec ses amis et les tournées se succédaient, des chopes et des chopes de bière passaient et tous les vidaient.
Bientôt ce serait le tour de Jack de payer sa tournée. C’était un moment qu’il détestait. Il allait mentir «Je n’ai pas d’argent aujourd’hui » lorsque soudain, une pièce roule, roule à travers le café, et s’arrête juste sous les pieds de Jack. Il se penche, prend la pièce et vite la met dans son porte-monnaie.

Mais lorsqu’il remet la main dans sa poche pour payer sa tournée, il sent son porte-monnaie qui bouge, s’agite, remue comme un beau diable. Une petite voix en sort : « Jack, laisse-moi sortir, s’il te plaît ! ».

Figurez-vous que c’était le Diable qui était enfermé dans le porte-monnaie de Jack, et il ne pouvait pas sortir car le porte-monnaie était fermé par une croix religieuse, et les diables ont horreur de ces croix.
« Jack, laisse-moi sortir, s’il te plaît ! ».
Jack aurait bien voulu laisser le Diable enfermé pour l’éternité mais il avait besoin de sa pièce :
« Qu’est-ce que tu me promets si je te fais sortir ? »
« Ce que tu voudras »
« Tu ne m’emporteras pas en Enfer ? »
« Non, tu n’iras pas en Enfer, je te le promets »
« Alors je t’ouvre ! »

LE POIRIER

Quelque temps après, Jack est au fond du verger de son voisin, cueillant des poires pendant que personne ne peut le voir. Cette année-là, elles sont fondantes, moelleuses, sucrées, odorantes ces poires, un vrai délice.
Jack appuie une échelle sur le plus grand poirier, monte avec son panier, attache le panier à une branche et se met à cueillir les poires.
Mais voilà que son pied glisse de la branche sur laquelle il était perché, et Jack dégringole de l’arbre, et le voilà par terre un peu sonné et se frottant la cheville.

Et soudain… Ffuitt ! … le Diable se dresse devant lui :
« Alors, Jack, tu es prêt à mourir ? C’est ton voisin qui va être étonné de trouver ton corps au pied de son poirier ! Jack, es-tu prêt à mourir ? »
« Monsieur le Diable, je vais bien, regardez, je peux même marcher. »
« Jack, ce n’est pas toi qui choisis ton heure, prépares-toi au trépas »
« Monsieur le Diable, s’il vous plaît, laissez-moi faire un vœu. Je voudrais manger de ces bonnes poires, mon panier est resté accroché tout là-haut, vous ne voudriez pas aller me le chercher ? S’il vous plaît »
Le Diable ne pouvait refuser, en général on lui demandait des choses plus difficiles ou plus sérieuses, et il aimait bien ce bon à rien de Jack. Alors il monte à l’échelle, puis sur les branches du poirier, il décroche le panier tout là-haut, il redescend en faisant attention de ne pas glisser… mais l’échelle, où est passée l’échelle ?

L’échelle ? Elle était couchée au pied de l’arbre : Jack l’avait enlevée subrepticement pendant que le Diable était en train de décrocher le panier.
« Jack, laisse-moi descendre de là ! »
« Pas maintenant »
« Jack, laisse-moi descendre j’ai peur du vide ! »
« Tu attendras un peu »
Et le Diable voit Jack s’en aller… et il ne revient pas ! Jack n’est revenu que le lendemain matin, et le Diable dans le poirier était tout transi, tout mouillé de rosée.
« Jack, je t’en supplie, laisses-moi descendre de là ! »
« Qu’est-ce que tu me promets si je te fais descendre ? »
« Tout ce que tu voudras ! »
« Alors laisse-moi vivre des années, et tranquille »
« Je te le promets, Jack, tu vivras longtemps, je ne te tenterai plus. Promis »

Jack remet l’échelle contre le poirier, et aide même le Diable à descendre tout tremblant de froid et de peur.
« Çà va mieux, monsieur le Diable ? »
« Çà ira, Jack, merci »
Et… Ffuitt ! … le Diable disparaît.

MORT DE JACK

Jack a vécu de nombreuses années, paisiblement comme avant : paresseux, ivrogne et avare, mais pas mauvais homme pourtant.
Maintenant, le moment est venu de mourir, il l’accepte. Jack est sur son lit de mort, son âme s’envole vers le Ciel : on ne sait jamais, s’il pouvait entrer quand même au Paradis.
Mais la porte du Paradis est fermée, Dieu est sévère :
« Jack, qu’as-tu fait de ta vie ? Tu n’as rien fait de bien. Tu as eu tes chances pourtant. Descends ! »
« Mais je n’ai pas été méchant, je n’ai fait de mal à personne »
« Jack, tu n’as pas été bon, tu n’as fait de bien à personne. Le Paradis n’est pas pour les gens comme toi. Descends »

Jack descend vers la Terre, puis continue vers les profondeurs, vers l’Enfer. Derrière la porte de l’Enfer, le Diable :
« Jack, salut vieux rusé ! Je t’ai promis que je ne te prendrai pas en Enfer, je tiens ma promesse. Remontes ! »
« Mais au Paradis, Dieu ne veut pas de moi »
« Jack tu ne te plairais pas en Enfer, c’est un triste lieu. Et puis tu ne mérites pas çà. Tu verrais les gens qui sont ici, ils te feraient peur. Remontes ! »

ERRANCE

Depuis ce temps-là Jack va du Paradis à l’Enfer et de l’Enfer au Paradis. Il fait froid, il fait brumeux dans cet entre-deux où il erre, alors il est allé voir le Diable :
« Monsieur le Diable, j’ai froid, je ne vois rien, laissez-moi me chauffer au feu de l’Enfer »
Le Diable lui a donné une étincelle. Pour la porter sans se brûler, Jack a arraché un navet, l’a sculpté puis y a déposé la braise.
Une fois dans l’année, le 31 octobre, il apparaissait aux vivants à la surface de la Terre. C’est depuis ce temps-là qu’on l’appelle Jack O’Lantern.
Cela a duré des centaines d’années dans la vieille Irlande.

Au siècle dernier, Jack a traversé l’Atlantique dans la cale d’un bateau, avec les autres Irlandais. En Amérique, parmi toutes les plantes qu’on ne connaissait pas en Europe, il y avait un gros légume orangé : une citrouille ! Alors Jack O’Lantern a posé son navet, et a mis la braise dans une citrouille.

Notes : Adapté d’après un conte irlandais     

Légende racontée par Sylvie