SE FORMER À LA LITTÉRATURE ORALE.
Pourquoi et comment ?

Entreprendre une formation à la littérature orale ne se limite pas à la transmission d’un conte mais nécessite aussi que l’on aborde de nombreux domaines relatifs à cette discipline. Le répertoire bien entendu, mais aussi la composition orale, l’art de la scène, de la relation au public etc.

D’autres domaines sont souvent négligés : l’analyse des récits et de leurs variantes, les contextes dans lesquels ils se sont formés, leurs filiations avec les traditions parfois encore vivantes, leur répartitions dans le temps et dans l’espace, le sens profond qu’ils révèlent, leurs résonnences avec l’actualité …

Le « goût du jour » tend à négligé cette part que certains qualifient d’intellectuelle.

Pour ma part il me semble que la littérature orale ne peut pas se transmettre pleinement sans cette dimension. L’ignorer serait se contenter de la « parole d’eau », de cette parole qui mouille les oreilles sans laisser de trace. La « parole d’eau » est, bien sûr, essentielle car le plaisir de l’écoute de la réception émotionnelle du récit reste un des moteurs privilégiés de l’art du conteur.

Mais pour que la transmission des récits de la littérature orale soit porteuse de sens, qu’elle touche profondément l’auditoire il est aussi nécessaire que le conteur ne porte pas une simple anecdote, que le récit qu’il transmet soit riche, et qu’il s’inscrive dans la pensée symbolique, qu’il génère un éveil chez celui qui l’écoute, que la « parole d’eau » devienne « parole d’huile », qu’elle s’imprègne et traverse celui qui la reçoit longtemps après qu’il l’ait entendu.

Atteindre la « parole d’huile » demande un peu de connaissance, un peu de cheminement avec l’histoire du récit, avec les contextes culturels qu’il a traversé, avec les sens multiples qui lui ont été attribué.

C’est à cette tâche que c’est consacré le C.M.L.O pendant plus de 28 ans, c’est à cette tâche que je continue de travailler, car la recherche dans ce domaine est si vaste que de nombreuses vies ne suffiraient pas à venir à bout des questions que posent cette discipline.

Jouer le médiateur entre la recherche et l’expression artistique est un des rôles essentiels d’un centre de ressources et je pense que les formations proposées par le Centre Méditerranéen de Littérature Orale répondent largement à cette fonction.

NOTES
« Parole d’eau, parole d’huile », une expression utilisée par certains griots pour différencier les paroles agréables qui détendent l’auditoire et les paroles plus épaisses qui nourrissent en profondeur et laissent des traces indélébiles. Mais leur sagesse proclame aussi qu’il faut beaucoup de parole d’eau pour faire accepter un peu de parole d’huile. Alors!!!

 

Marc Aubaret.