
Chine
Pays aux vastes territoires, la Chine a joué un rôle de première importance dans la construction de l’imaginaire oriental. La tradition orale, qui puise dans des ouvrages populaires ancestraux, recouvre une grande variété, selon les multiples influences culturelles. Cependant, des traits communs émergent…
Avec une superficie qui couvre plus d’un quart de toute l’Asie, la Chine est le troisième plus grand pays sur terre, après la Russie et le Canada.
Il est donc aisé d’imaginer que la culture chinoise est extrêmement riche d’influences différentes. En outre, la civilisation chinoise puise ses racines dans un empire à l’histoire millénaire, en enrichissant d’avantage, selon les périodes historiques traversées les œuvres culturelles chinoises.
La littérature orale de ces territoires ne peut que renvoyer à une grande richesse et se décliner en multiples nuances. Cependant, au-delà de cette immense diversité, la tradition orale chinoise, à l’instar des cultures, des langues et des religions chinoises, porte des traits reconnaissables. Il est donc question d’explorer chaque spécificité locale en prenant en considération le contexte global dans lequel elle s’insère.
Des régions et des peuples variés
L’ensemble de la Chine peut se découper en six grandes régions. Étant la transcription du mandarin complexe, bien que des règles aient été introduites (par exemple par le Translation Standardisation Commitee for the Chinese Media), l’orthographe des noms des régions ici présentés ne correspondent pas forcément à ceux présents dans d’autres documents. Cependant, ils font référence aux mêmes territoires :
- Les plateaux du Tibet, dont l’histoire, la religion, la langue et les traditions peuvent être considérés de façon indépendante;
- La cuvette du Sinkiang qui va des deserts de Tarim à ceux de Djoungarie ;
- Au nord-ouest, les désert de Gobi, ceux de la Mongolie intérieure, celui du Tsinghai et ceux de Kansu et Ningsia ;
- Les plateaux de terre limoneuse du Chansi et du Chensi ;
- Au Kuangisi, Yannan et Setchouan, des vastes plateaux calcaires;
- Une gigantesque plaine à l’est : la Manchurie dans la partie septentrionale e le Guandong au midi.

L’ensemble de la Chine peut se découper en six grandes régions. Étant la transcription du mandarin complexe, bien que des règles aient été introduites (par exemple par le Translation Standardisation Commitee for the Chinese Media), l’orthographe des noms des régions ici présentés ne correspondent pas forcément à ceux présents dans d’autres documents. Cependant, ils font référence aux mêmes territoires :
- Les plateaux du Tibet, dont l’histoire, la religion, la langue et les traditions peuvent être considérés de façon indépendante;
- La cuvette du Sinkiang qui va des deserts de Tarim à ceux de Djoungarie ;
- Au nord-ouest, les désert de Gobi, ceux de la Mongolie intérieure, celui du Tsinghai et ceux de Kansu et Ningsia ;
- Les plateaux de terre limoneuse du Chansi et du Chensi ;
- Au Kuangisi, Yannan et Setchouan, des vastes plateaux calcaires;
- Une gigantesque plaine à l’est : la Manchurie dans la partie septentrionale e le Guandong au midi.
Dans ces vastes territoires, habitent des multiples peuplades .
Bien que les efforts de la Révolution Culturelle aient tenté d’homogénéiser la Chine, on peut compter plus de 55 ethnies, avec des cultures spécifiques. Même si les anthropologues reviennent sur la définition traditionnelle de groupe ethnique et ses limites (Amselle 2005, Barth 2006), il est certain que dans le vaste territoire chinois plusieurs peuples revendiquent des caractéristiques communes, le partage de valeurs culturelles fondamentales, une appartenance partagée. Cette dichotomie entre la richesse culturelle, la façon de l’appréhender par l’État maoiste et la centralisation — tout en les valorisant — des « minorités » ( 少数民族 en mandarin) est bien présenté par une anthropologue qui s’intéresse de Chine :
En effet, on peut se demander si ce pays, immense en étendue et tellement divers, est « ethnologisable », avec son histoire plurimillénaire — même si justement la manière de l’écrire peut laisser perplexe2 — un État si fortement structuré — même si son essence a échappé à plus d’un — et encore avec cette écriture omniprésente. Mais ne serait-ce pas là reprendre les flambeaux réunis des XVIIIe et XIXe siècles et s’engager dans la tradition du « grand partage » ?3
Du point de vue ethnologique, la Chine demeure très imparfaitement connue. Cette observation vaut bien sûr pour ses « minorités nationales »4, mais elle vaut tout autant pour l’ensemble du pays, avec ses cultures locales qui sont d’une étonnante diversité. Une quantité d’informations écrites, fournies depuis l’antiquité par les administrations dynastiques successives, sur les mœurs et coutumes, la religion et les structures de parenté, l’alimentation et les modes de production, donne une fausse impression de transparence. En fait, ces abondants écrits officiels (monographies locales, généalogies, recueils de contes et de chants populaires, rituels domestiques et communautaires, légendes des dieux, traités de folklore, etc.) répondent pour la plupart à des normes précises, dictées par l’autorité politique dans son désir d’imposer une orthodoxie dite « confucianiste » à une nation ethnologiquement très diversifiée et qui trouve son unité à travers de multiples liens d’ordre religieux, notamment la liturgie et les cultes dits « taoïstes »5.
Source :
❧ Baptandier Brigitte, 2001, " En guise d'introduction : Chine et anthropologie ", Ateliers d'anthropologie. Revue éditée par le Laboratoire d'ethnologie et de sociologie comparative, 6 août 2001, no 24, p. 9‑27.
La République populaire de Chine se définit aujourd’hui comme un État multiethnique qui donne, à travers le système d’entités administratives autonomes, une autonomie « ethnique ». Certaines ethnies, comme les Han, sont bien plus nombreuses que d’autres :
Ainsi l’ethnie majoritaire chinoise – les Han – représente une population de plus d’un milliard de personnes, au sein de laquelle l’on trouve des différences culturelles et linguistiques considérables. Les Chinois du nord parlent le mandarin du Nord-Est ou du Nord-Ouest ; ceux des provinces du Zhejiang, Jiangsu et municipalité de Shanghai parlent le Wu, sur la municipalité de Shanghai, plus particulièrement le dialecte shanghaïen des langues wu ; au sud du Yangzi Jiang, on parle entre autres, les mandarin du Sud-Ouest (Hubei, Hunan, nord du Guizhou, nord-est du Yunnan) ou mandarin du Sud-Est. Dans la province de Fujian, à l’Est du Guangdong et à Taïwan, on parle la langue 閩南 incluse dans le plus large groupe des langues min ; dans la province du Hunan la langue xiang, et plus généralement dans les provinces méridionales les langues gan, hakka (Fujian), cantonaise (yue, Guangdong, Guangxi)…
Il y a neuf groupes de minorités importants en Chine d’environ 5 millions de représentants chacun : les Zhuangs, les Ouïghours, les Hui, les Mandchous, les Yi, les Mongols, et les Tibétains. Mais il y a aussi beaucoup d’ethnies de petit groupe de dizaine ou centaine de milliers.
Dans certaines ethnies minoritaires aussi, des sous-groupes sont définis. Par exemple :
-
chez les Tibétains appelés Zang en Chine, les trois sub-ethnies sont les Khampa (du Kham, à l’est, à cheval sur la région autonome du Tibet et la province du Sichuan), les habitants de l’Ü-Tsang (au nord-ouest) et les Amdowa (de l’Amdo, nom tibétain de la province du Qinghai) : cette définition correspond aux trois dialectes tibétains ;
-
les Zhuang sont environ 5 millions en Chine: ils sont aussi groupés selon leurs deux dialectes : Zhuang du Nord et Zhuang du Sud ;
-
à cheval sur la République de Mongolie et la région autonome chinoise de Mongolie-Intérieure, les Mongols se partagent, d’ouest en est, entre Ölöts (ou Oïrats), Khalkhas (majoritaires), Dariangs et Horshens ; en outre, au sud vivent les Ordos qui ne sont présents qu’en Mongolie-Intérieure chinoise.
Source : Wikipedia
Parmi les 55 ethnies reconnues, bien 53 possèdent une langue que leur est propre, 21 ont leur propre système d’écriture. Certaines font partie du phylum chinois, d’autres — sourtout celles aux frontières nord — à cause de leur éloignement géographique, sont peu sinisées.
Une histoire aux origines lointaines et aux fastes impériaux
L’histoire de cet immense pays est autant riche que son territoire.
Nous trouvons une chronologie de certains des moments plus importants dans l’ouvrage :
Une fois cerné les tournants de l’histoire chinoise, il est intéressant de voir comment, historiquement, la Chine s’est intéressée aux traditions populaires — et spécialement celles orales — au fil des siècles.
L’enquête anthropologique de Baptandier nous vient en aide avec une explication claire :
Il existe depuis plus de deux mille ans, en Chine, une tradition d’enquête, de recueil de matériaux que l’on peut véritablement qualifier de pré-ethnologique. Dès avant l’unification de l’empire par les Qin (221 avant notre ère), chaque royaume, chaque État de la Chine des Royaumes combattants (ive-iiie siècles avant J.‑C.), avait ses propres canons sacrificiels et ses modes de gouvernement. À côté de ces traditions officielles existaient les cultes initiatiques de ce que l’on nomme le taoïsme ancien, et les traditions des divers peuples. Or celles-ci différaient grandement d’une région à l’autre. Pourtant elles n’étaient pas a priori suspectes : chaque pays avait ses ancêtres, ses héros, ses légendes, sa musique et ses rites qui étaient l’expression de son génie propre. Des maîtres des cérémonies, des chamanes officiaient chacun dans sa spécialité. Il en existait une catégorie particulière, les fangshi 方士 littéralement maîtres des lieux, du territoire, ou encore des orients, fang carrés, d’où régions, pays, puis méthodes, recettes ; shi étant la catégorie la plus basse de la noblesse. Ces fangshi étaient des lettrés locaux considérés comme des magiciens, spécialisés notamment dans les rites aux étoiles et les recettes de gouvernement. À partir de l’époque impériale, sous les Qin déjà, dès le premier empereur, Qin Shihuangdi (de –221 à –210), puis plus tard, sous les Han (de –206 à 220), les fangshi sont devenus une institution impériale.
Leur rôle était de recueillir, chacun dans son territoire propre, les recettes, procédés rituels ou médicaux, les croyances, les mythes, les légendes et les miracles spécifiques du lieu. Ils s’intéressaient donc aussi bien aux théories locales, comme celle, appelée à devenir prépondérante et aujourd’hui bien connue, des cinq éléments et des phases du yin et du yang6, qu’à tout ce qui faisait la vie du peuple. En somme, ils collectaient les différences et leurs modes d’expression. De savants systèmes classificatoires avaient déjà permis de penser ces différences des fang en termes cosmologiques et d’arrêter leur typologie. La norme prévoyait aussi — fait politique — que les différences des fang se rejoignent et se fondent au centre, lieu de l’autorité : l’empereur. […] La tradition s’est poursuivie jusqu’à nos jours, de différentes manières. À partir de la dynastie des Song (960-1279), les fonctionnaires locaux eurent le devoir d’écrire des monographies locales, difang zhi 地方志. Ils devaient bien sûr y consigner tous les documents politiques, économiques, géographiques, idéologiques de leur région, mais aussi y décrire les fêtes et les rites, les mythes et toutes les particularités du lieu. Certes, les gens préféraient ne pas trop révéler leurs secrets de peur de la censure et les fonctionnaires ne pas trop entrer dans les détails de peur de révéler leur incompétence à faire régner l’orthodoxie, étant donné la nature du pouvoir dont ils étaient investis. C’était toujours leur capacité à établir l’« harmonie » qui était en jeu. Ces documents sont néanmoins très riches d’informations demeurées presque inexploitées.

Une exclusivité CMLO : un article de Laure Ozanon, sinologue
Les Qin Miao, une force au féminin
Sur les quatre millions de Miao recensés dans la province du Guizhou, les Qin Miao ne représentent qu’une poignée de 5000 individus. A l’échelle chinoise autant parler d’une perle rare. Les ressources économique reposent pour une grande part sur les femmes qui cultivent une terre ingrate. Pour le reste, les douze villages Qin Miao reposent sur l’autonomie.
Les Miao de Basha
Ils sont une poignée à résister à l’essor économique de la Chine. C’est un choix en même temps qu’une forme de liberté. Alors que les mégapoles asphyxient leurs citadins, les irréductibles miao poursuivent leur épanouissement.
Guanyin
Au nom de la compassion chinoise
Issu du panthéon bouddhique, le bodhisattva de la compassion venu de l’Inde se métamorphose en plusieurs aspects une fois adopté en Chine. Sa mutation va jusqu’au changement de sexe alors qu’il devient une divinité extrêmement populaire.
Les trois vies du buffle
Le buffle d’eau shui niu, fait parti du paysage du sud de la Chine. Sans lui, les montagnes sculptées de rizières n’auraient pas le souffle de beauté qui leur sont connues. Pour les paysans, de l’époque mythique à aujourd’hui, l’animal est d’une valeur inestimable. En tant que tel, il est destiné à honorer les ancêtres.
Benzhu le dieu des bai
La communauté bai se forme aux environs du VII-VIIIe siècle, à l’époque des royaumes de Nanzhao et de Dali. Situé au carrefour des civilisations tibétaine et chinoise, les échanges apportent un ferment religieux enrichissant le panthéon des bai de plusieurs dieux. Benzhu, divinité polymorphe, reste le suprême dieu tutélaire.
Les masques de l’exorcisme en Chine
Presque tous les pays d’Asie ont des danses masquées. En Chine, la tradition du masque remonte à la dynastie Shang (XVI-XIe siècle av. J.-C.), du temps où la cour impériale exécutait le grand exorcisme Da Nuo. Cet héritage se retrouve dans le Nuo xi du peuple Tujia.
bleu et blanc du Guizhou,
La marque de l’indigo
Début octobre, alors que la plus secrète des provinces de Chine méridionale savoure son été indien, une dernière récolte se prépare : celle de l’indigo polygonum tinctorium. Teinture en même temps que plante médicinale, elle est le grand bleu qui habille les différentes ethnies Miao, Dong et Buyi. Associé à l’art du laran – impression des textiles à la cire perdue – voici que se dessinent les plus somptueux bleu blanc du Guizhou. Encore fabriquée de façon artisanale et villageoise la pâte d’indigo permet une palette de tons qui s’étendent du bleu pastel au vert cuivré.
Les architectes du cèdre
Luban, le dieu chinois inventeur de la scie et du rabot, a été adopté par les Dong comme saint patron des menuisiers et charpentiers. Mais cet emprunt à la civilisation Han ne serait rien sans le Nanmu, cèdre qui pousse dans les régions humides des trois provinces Guizhou, Hunan et Guangxi de la Chine méridionale. Depuis fort longtemps les Dong exploitent avec une conscience écologique très avancée leurs forêts pour en bâtir des maisons, des scènes de théâtre, des ponts et des tours.
Lusheng : le bambou chantant des miao
Les chinois attribuent au légendaire Huangdi, leur héros civilisateur, l’invention de l’écriture et celle de la musique. Son ministre lui aurait remis 12 tuyaux de bambous qui formèrent les 12 liu, étalons sonores de la gamme chinoise. L’assemblage de ces tuyaux forma l’un des plus anciens instruments de musique de l’empire, le sheng. Aujourd’hui, dans la culture han, il s’agit d’un assemblage de 17 tuyaux, alignés en cercle autour d’un réservoir de métal, joué en orchestre. Chez les Miao, ethnie du sud de la Chine, le lusheng est indissociable des fêtes locales.
de Laure Ozanon : laureoza[AT]gmail.com tél : 07 84 63 58 24
Facebook : Encre de Chine
pour le magazine Tao-yin : tél 01.42.59.83.60
Pour aller plus loin
Partie 1
Partie 2
Écoutez la conférence « La littérature orale chinoise » par Marc Aubaret (2009, Alès)
La littérature orale chinoise, bien que passionnante, n’est pas facile à raconter. Ces contes sont beaux mais difficiles à comprendre dans leur profondeur car ils brassent de nombreux concepts culturels qui nous sont souvent étrangers. Lors de cette conférence, nous tenterons d’aborder ce continent par ses minorités et nous tenterons de comprendre comment la longue histoire de l’écriture dans la majorité Han a façonné de façon très singulière le répertoire des récits de tradition orale.








