Des contes qui apaisent les maux de l’âme et du corps
Depuis l’aube des temps et dans toutes les cultures, les mythes, les légendes, les épopées, les contes, les proverbes, les devinettes font partie de la vie des hommes. Ils prennent sources dans la mémoire collective et se transmettent de génération en génération ou par la voix et le travail des conteurs.
Les mythes, les contes et certaines petites formes de la littérature orale seront davantage valorisés dans le cadre de ces rencontres dédiées aux liens entre transmission, littérature orale et thérapie.
Les mythes justifient le monde. Ils remontent à la création, organisent l’au-delà et expliquent à l’homme, qui les tient pour vrais, les principes qui doit guider sa vie. Ils diffèrent en cela des contes qui, grâce à la formule magique avouée dès le début « Il était une fois, dans une contrée lointaine », ont le pouvoir de nous transporter dans un espace « hors temps » et « hors lieux ». Dans les contes, l’aspect religieux s’est étiolé progressivement pour ne laisser place qu’à « l’invraisemblable ». Mais, dans cet ailleurs imaginaire où tout est possible, les événements, les motifs, les lieux, les objets, les personnages ont un sens. Ils sont la trace d’histoires passées, rêvées, endurées et digérées. Selon, le psychanalyste et psychologue Bernard Chouvier : « Le conte est la transfiguration d’événements tragiques s’étant forcément produits un jour, d’événements traumatiques s’étant déroulés autrefois et qui entrent en résonance avec les terreurs enfouies au plus profond de nous [1]». Les contes montrent aussi la voie, sous forme d’images, sans rien imposer. Chacun peut y trouver ses propres solutions en fonction de son vécu. Les petites formes, quant à elles, véhiculent un savoir et comme l’ensemble des genres de la littérature orale structurent la pensée et le langage.
En ce qui concerne la recherche et le développement des pratiques de soin qui utilisent le conte, Freud fut, au siècle dernier, le premier médecin à mettre en relation la littérature orale et le psychisme : « les souvenirs d’enfance acquièrent d’une manière générale la signification de souvenirs écrans et trouvent en même temps une remarquable analogie avec les souvenirs d’enfance des peuples tels qu’ils sont figurés dans les mythes et les légendes [2]». A partir de la fin des années 1970, les grands courants de la psychiatrie analysent les mécanismes des contes, des mythes qui se révèlent de puissants outils de gestion des pulsions humaines. La psychanalyse se penche sur les symboles et les motifs des contes merveilleux qui peuvent « mettre au travail » notre inconscient. La métaphore ne suscite pas de mécanismes de défense car elle parle à ce dernier en lui proposant un parcours initiatique de manière libre tout en l’aidant à accepter la réalité. La force symbolique de ces récits doit être prise en compte, il faut les comprendre pour les transmettre en toute conscience (Bettelheim, B.1976 [3]). Depuis, certains praticiens utilisent aussi le conte comme technique de soin dans le cadre d’ateliers thérapeutiques auprès d’enfants psychotiques ou qui subissent d’autres troubles de la personnalité (Lafforgues, P.1995[4]). Le conte a également conquis les professionnels de nombreux domaines qui sont en lien avec des personnes fragilisées soit par une pathologie (Alzheimer, troubles du langage ou troubles psychiques, etc.) ou par des traumatismes vécus (deuil, inceste, exil…). Enfin, l’ethnobotanique utilise les contes étiologiques, les devinettes, les proverbes pour analyser les vertus de certains végétaux. Ces récits sont d’excellents aide mémoires pour intégrer la médecine plus traditionnelle et repérer les plantes pouvant traiter certains maux.
Nous nous attacherons, lors de ces journées, à comprendre les différents leviers thérapeutiques qui peuvent permettre aux récits de tradition orale d’apaiser certaines blessures, de dénouer les corps meurtris, de rééduquer le langage ou de tout simplement se ressourcer. Nous tenterons également de répondre aux questions liées aux modes de transmission de ces récits et au choix du répertoire à utiliser en fonction du lieu d’intervention et du public ciblé.
[1] Chouvier, B. (2018). Le Pouvoir des contes, Dunod
[2] Freud, S. (1913). Matériaux des contes dans les rêves, In Résultats, idées, problèmes. Tome n°1. Paris : PUF
[3] Bettelheim, B. (1976). Psychanalyse des contes de fées. Paris : Robert Laffont.
[4] Lafforgues, P.(1995). Petit poucet deviendra grand. Bordeaux : Mollat