Louise Michel déportée en Nouvelle-Calédonie
C’est le 10 décembre 1873, après des mois d’une pénible traversée sur un vieux rafiot, que Louise Michel arrive au bagne de Nouvelle-Calédonie avec ses compagnons communards. Elle et son amie Nathalie Lemel tiendront tête au gouverneur Gauthier de Richerie qui voulait envoyer les femmes dans des logements spéciaux et plus confortables à Bourail sur la Grande-Terre. « Nous avons la loi avec nous, soutinrent ces deux fortes têtes, et puisque le jugement prononcé contre nous est exactement le même que pour les hommes, nous voulons être traitées comme nos compagnons. » Et, menaçant de se suicider le jour-même, elles obtinrent gain de cause et furent parquées dans la presqu’île de Ducos avec leurs frères de lutte.
Pendant toutes ces années, Louise partagea avec les déportés la vie quotidienne du bagne, ses misères, ses projets et tentatives d’évasion, les difficultés de la vie commune, les tracasseries administratives, les punitions, les divergences politiques et sociales entre détenus, etc. …
A peine arrivée à la presqu’île Ducos, Louise Michel fonde une école canaque dans une vieille cabane. Chaque dimanche elle fait classe à une vingtaine d’indigènes « Jamais peut-être je n’eus d’élèves aussi disciplinés, plus attentifs … Mes écoliers ne tardèrent pas à faire de rapides progrès » L’administrateur la convoque « il faudra fermer votre école. Vous bourrez la tête des Canaques de doctrines pernicieuses. L’autre jour vous leur avez parlé d’humanité, de justice, d’émancipation. Ce sont là des choses inutiles… Il ne faut pas parler d’émancipation à ces gens-là. Un jour ou l’autre cela pourrait être dangereux… Je compris »
Avec une hardiesse incroyable, elle franchit les limites du bagne pour rejoindre en forêt des tribus qui, à cette époque, étaient encore anthropophages. « Qui es-tu ? Que veux-tu ? Tu fais partie des mauvais blancs et tu t’es échappée du bagne ? » Aux Canaques stupéfaits, Louise expliqua les luttes sociales en France, leur raconta la Commune de Paris… Le sauvage avait compris « Alors toi bonne, dit le chef, protectrice des malheureux. Toi guerrier comme nous, mais vaincue comme les malheureux Canaques quand ils ont voulu résister aux blancs » Adoptée par les Canaques, Louise établira avec les tribus de véritables échanges culturels.
Elle collectera leurs légendes, leurs chants de guerre, se renseignera sur leurs coutumes, leurs 36 dialectes, et crayon en main agrémentant son manuscrit de très beaux croquis, elle rédigera les « Légendes et chants de gestes Canaques »
Extraits de la préface de « Légendes et chants de gestes canaques » par Louise Michel, préface par Gérard Oberlé