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FRANCE

La situation géographique du pays donne aux contes populaires de la France des particularités qui leur sont propres.

Les contes populaires Français.
Par Nicole Belmont. Extrait de  « Mythes et croyances dans l’ancienne France ». Flammarion. 1973

« On verra (…) que les contes populaires français appartiennent à l’ensemble que constituent les contes européens. On y retrouve les mêmes thèmes sous des versions plus ou moins différentes. Aussi peut-il sembler paradoxal de chercher à déterminer les traits particuliers du conte français. Il en est cependant  que Paul Delarue a tenté de dégager.

Toute étude des contes français ne peut manquer de se heurter aux problèmes que pose le recueil de Charles Perrault, « Histoire du temps passé » (1697). Bien qu’il n’y ait la que onze contes en tout, nombre infime au regard des milliers de récits collectés depuis un siècle en France, un phénomène curieux s’est produit qui a abouti à faire des contes de Perrault, grâce à la conjonction de la voie orale et de la voie imprimée, le recueil le plus célèbre, parfois même unique, à l’aide d’un retournement de la tradition : en effet tous ces contes, sauf Riquet à la Houppe, sont d’origine populaire et ils ont retrouvé une existence traditionnelle sous la forme littéraire que leur a imposée Perrault. C’est là un exemple privilégié de l’intrication des courants populaires et lettrés qu’on rencontre dans toutes les cultures où existe l’imprimé.

Sa situation géographique donne aux contes populaires de la France des particularités qui leur sont propres. Ainsi retrouve-t-on des versions de certains contes type caractéristiques du domaine nordique et du domaine méditerranéen, qui se rencontrent en ce point convergent. D’autre part comme la France touche à des aires linguistiques diverses par ses franges (Celtiques en Bretagne, germanique dans l’est, italienne en Provence et en Corse, basque), les versions  qu’on y recueille présentent  une grande variété.

Avec Paul Delarue, on peut dire – en simplifiant un peu – que trois cas peuvent se présenter. Parfois les versions françaises et étrangère d’un même type  présentent peu de différences ou, lorsque celles-ci sont assez nettes, elles sont de nature formelle; (…) Parfois la forme française est si dissemblable qu’on y verrait facilement un autre conte (Barbe-Bleue par exemple). Enfin on trouve des contes dont le thème semble exclusivement français: (…)

Paul Delarue, dans l’introduction du premier tome de son inventaire a tenté de caractériser les contes français par rapport aux versions des autres pays européens. D’une manière générale il lui semble que le merveilleux est plus discipliné, familier, simplifié, presque « raisonnable ». Le milieu n’est pas la sombre forêt allemande où s’enfonce Blanche Neige, ni les rivages maritimes mystérieux des récits celtiques. C’est un monde familier de champs et de jardins, de bois et de maisons rustiques. Les êtres fantastiques  de toutes sortes qui pullulent dans les contes allemands se réduisent  presque uniquement aux ogres ou géants et aux fées. Les nains sont rares, on les retrouvent surtout de Basse Bretagne, mais ils sont d’inspiration celtique. Paul Delarue cite un exemple typique de cette simplification des thèmes qu’on voit à l’oeuvre dans les contes français. Le récit très ancien et largement répandu des jeunes filles métamorphosées en cygne et qui se baignent ayant déposé leurs habits de plumes, perd une grande partie de son merveilleux dans les versions françaises. Celles où les filles sont vraiment des oiseaux qui se dépouillent de leurs robes de plumes sont rares. Le plus souvent subsiste plus que les noms qu’elles portent  (Tourterelle, Colombe, ou Plume Verte, Plume jaune etc.). Le héros dérobe  alors à la plus jeune, non pas son habit de plume, mais une pièce de vêtement.
A suivre

Paul Delarue et le conte populaire français

Quand nous parlons de contes populaires français, entendons-nous par là des contes qui soient particuliers à la France ou aux pays de langue française?
On sait que Cendrillon de Perrault à des soeurs à la peau blanche, brune, jaune ou noire sous les cieux les plus divers, très reconnaissables sous leurs costumes et leur noms différents; et les adaptations de l’histoire au milieu géographique et humain, les broderies ajoutées par les conteurs de tous pays, laissent apercevoir le canevas commun; il y a de très jolies versions dans tous les pays européens, asiatique, nord africains et un sinologue américain, Jameson, nous a fait connaître récemment une Cendrillon chinoise du IX° siècle qui tient ses pentoufles d’or, non pas d’une fée, mais d’un poisson merveilleux, et qui en perd une, non pas en s’échappant dans un bal, mais en revenant d la fête du pays voisin.
S’emblablement, l’histoire de Peau d’Ane que nous fit connaître Perrault en 1694 sous une forme versifiée, celle de la Belle aux cheveux d’or, dont Mme d’Aulnoy nous donna en 1698 une jolie version, celle de La Belle et la Bête que publia Mme de Beaumont en 1757 dans une revue enfantine, ne représente chacune que l’une des innombrables variantes contées sur ne grande partie de notre vieux continent.

C’est que la plupart des contes populaires qui se diesent en France appartiennent à cette grande famille de contes qui est bien commun de toute l’Europe, de l’Asie occidentale jusqu’à l’Inde, et du Nord de l’Afrique; et ces contes ont suivi dans les siècles passés les colons, les soldats, es marins et les missionnaires d’Europe dans les colonies françaises, anglaises, espagnoles, portugaises fondées par-delà les mers. Ils n’ont pas la prétention, sauf un très petit nombre, d’appartenir à la France seule.

Un grand nombre de ces contes, et particulièrement les contes merveilleux, de disaient déjà il y a des siècles et des siècles, parfois depuis des millénaires, parfois dans un insondable passé qui échappe à nos investigations.

On conte encore en Bretagne, dans le Canada et les Antilles de langue française, l’histoire d’un voleur subtil qui, sous le nom le plus fréqent de Voleur de Paris ou de Filou de Paris, puise dans le trésor du roi, et par ses ruses, déjoue tous les moyens employés pour le prendre. Ces versions modernes sont les ultimes rejetons d’un conte antique qu’Hérodote nous rapporte déjà au V° siècle avant J.C sous la forme d’une légende que des prêtres égyptiens rattachaient au roi Rhampsinite (Histoire. V. 21); Il appartient déjà à la tradition grecque de cette époque, il se contait dans l’Inde aux premiers siècle de notre ère, comme l’attestent de vieux recueils de contes bouddhiques, il se retrouve dans des oeuvres médiévales de l’Inde et de l’Occident, et il se dit encore au Canada et de la Bretagne et de l’Irlande à l’Orient, avec des traits qui maquent au récit d’Hérodote visiblement  emprunté à une tradition plus ancienne.

L’histoire du géant aveuglé par son captif qui lui échappe par ruse a été notée en France, comme elle a été des centaines de fois des pays scandinaves aux pays arabes et berbères et de l’Islande, l’Irlande et la Bretagne à la Corée, souvent sous une forme plus complète, plus authentiquement populaire que celle qui dans l’Odyssée, a pour personnage principaux Ulysse et le cyclope Polyphème; emprunté à une tradition bien plus ancienne, le vieux conte  a dû être modifié pour être incorporé dans la série des aventures attribuées au héros de l’épopée homérique.

D’après Paul Delarue dans « Le conte populaire français » : Catalogue raisonné des versions de France. Édition Maisonneuve et Larose  Éd. 1997

A suivre.

Traits particuliers du réperoires français (d’après Michèle Simonsen)

1. Contes spécialement répandus en France. –

La Bête à sept tête (T. 300)  Le Roi des poissons ( T. 303)
Ces deux conte sont particulièrement répandus en France au point que Kurt Ranke, qui a comparé près de 1000 versions du monde entier, estime qu’ils ont dû naître en France. (Kurt Ranke. Die Zwei Brüder, FFC, 114, Helsinki, 1934) Il s’agit d’ailleurs d’un récit très ancien, puisque le motif de l’objet merveilleux qui avertit le frère resté à la maison des dangers que court son jumeau est attesté en Egypte au XIIIème siècle avant Jésus-Christ et qu’on a pu le rapprocher du mythe grec de « Persée et Andromède », lui même version incomplète d’un récit encore plus ancien qui survit dans nos contes (Hartland, The Legend of Perseus, London, 1894 – 1896)

Les princesses délivrées du monde souterrain (T.301)
Alors qu’à l’étranger, le héros qui délivre les trois princesses du monde souterrain est le plus jeune des trois frères qui seul a découvert le voleur des fruits merveilleux de son père, en France, c’est le plus souvent un jeune homme d’une force prodigieuse, né d’un ours et d’une femme (T.301.B : Jean de l’Ours)

La fille du diable (T.313)
Ce conte est très populaire en France, où il a souvent pour titre « La Montagne de verte ou la Montagne noire. L’histoire d’un héros entré au service d’un magicien, par qui il se voit imposer des tâches impossibles et qu’il exécute grâce aux pouvoirs magiques de la fille de celui-ci, a fait rapprocher ce conte du mythe de Médée et Jason. Ce conte est l’un des plus anciens du répertoire indo.européen, comme l’indique l’abondance des éléments magiques : pâtés magiques ou gouttes de sang qui répondent à la place des fugitifs, objets jetés en route qui se transforment en obstacles, métamorphose momentanée des héros poursuivis, etc.