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ARGENTINE

En Argentine, un pays cinq fois comme la France, la population rurale est très dispersée. Le conte oral s’y révèle donc encore comme un élément essentiel de la construction sociale et de la transmission culturelle.

LITTÉRATURE ORALE D’ARGENTINE

En Argentine, un pays cinq fois comme la France, la population rurale est très dispersée. Le conte oral s’y révèle donc encore comme un élément essentiel de la construction sociale et de la transmission culturelle. Cet art oratoire « se pratique toujours lorsqu’un groupe, le dimanche, les fêtes et lors des temps forts de la vie agricole, se rassemble autour d’un feu de bois, pour y prendre le temps de tisser les indispensables liens de convivialité et de solidarité entre voisins séparés par des kilomètres carrés de savane, de forêt vierge, de montagne, de lacs, de glaciers, de plaine, de champs, de prairies, de vergers, d’oliveraies ou de vignobles. On y boit le mate, on y joue de la musique, on y danse, on y plaisante et tout un chacun, pour peu qu’il en ait le talent, s’y improvise conteur d’histoires traditionnelles qu’il tient de sa famille ou de son village et qu’il réinvente à son goût, avec son vocabulaire, ses variantes, sa gestuelle, ses mimiques, ses compétences de bruiteur ou d’imitateur, tandis que les enfants jouent à côté, les garçons au football et les filles à la marelle ou à la poupée, au soleil couchant ou à la clarté de la lune, … » 1

Berta Elena Vidal de Battini (1900-1984),

une grande philologue argentine, collecte dans les années 1950 à 1970 de nombreux contes populaires.

Pour comprendre pleinement ces récits recueillis il faudrait avoir une connaissance approfondie du contexte sud-américain (histoire, géographie, faune, flore, coutumes, traditions…).et en comprendre la (les) langues utilisées par les conteurs. « Car comme dans toutes les transmission traditionnelles les jeux de mots, les anachronismes délibérés, la connaissance des mœurs des animaux fondent le sens profond des récits. il faudrait encore expliciter l’implicite argentin : tel ou tel épisode de l’histoire locale, telle caractéristique topographique, ethnique, climatique, etc. Cette difficulté, propre à tout projet de traduction de la littérature orale explique que peu de collectes directes nous sont proposés »2

L’Argentine, comme la plupart des pays du continent américain, a le privilège de faire se côtoyer plusieurs cultures très différentes et le travail si dessus sera donc à reproduire pour chacune d’entre elles.

« Les peuples indigènes ne sont pas une partie romantique d’un passé révolu, ni une curiosité de musée d’un présent globalisé. Ce sont des sociétés qui entretiennent une forte vitalité, qui conservent leurs particularités traditionnelles en les adoptants aux temps nouveaux »3.

En ce sens il est indispensable de les repérer comme des producteurs actifs dans la création culturelle générale de chaque régions. « Les peuples indigènes sont ceux qui ont toujours été là… Même si, quelque fois, nous ne le savons pas, ou nous ne voulons pas les voir à notre coté »4.

LES GUARANI
Exemple de la littérature orale guarani

Pour ce qui est de l’héritage culturel du peuple des guaranis, on trouve de nombreux contes et légendes. Si en Europe la culture Celte est connue pour sa richesse en personnages mythologiques, en Amérique du Sud le peuple Guarani du Nord-Est argentin n’est pas en reste. En effet, ce peuple avait une imagination débordante en matière de petits hommes d’un autre monde. Par exemple on y découvre, entre autre, le Pombero l’équivalent du leprauchaun celtique. Mais il y a également le Yasi Yataré, plus perfide et vicieux qui kidnappait les enfants. Le remède? Mettre du tabac autour de sa maison pour éloigner ces malins génies…

LE POMBERO
Le Pombero, un être fourbe protecteur de la nature

Personnage de la mythologie guaraní, le Pombero est une sorte de nain velu, court sur pattes,  qui a des bras tellement longs qu’ils traînent par-terre.
Ses mains sont démesurément grandes, tout comme ses pieds, qui sont positionnés à l’envers afin de désorienter les courageux qui voudraient le suivre à la trace.
Le fait qu’il soit dépourvu d’articulations au niveau des genoux et des coudes rend ses gestes maladroits et grotesques. Doté de certains avantages masculins qu’il cache de sa longue barbe qui va jusqu’au sol, il se promène nu et porte un chapeau de paille.
Attention, ne jamais prononcer son nom à voix haute à l’intérieur de la maison, cela a le don de l’énerver ! Cette légende est restée dans les zones de peuplement des indiens guaraní, dans le Nord -Est du pays.

Le Pombero, protecteur de la nature

Il n’a rien à voir avec l’idée qu’on les chrétiens du démon. Cet être légendaire a pour mission de prendre soin des montages et des animaux sauvages. Friand de miel et de tabac, le Pombero peut être un réel ami tout comme il peut se révéler être un ennemi de taille. En effet, il devient méchant. Par exemple, si un chasseur chasse plus de proies que ce qu’il ne peut en manger. Dans ce cas de figure, le Pombero se transforme en animal ou en plante et, tout en subtilité, mène son ennemi au fin fond de la forêt. Afin qu’il s’y perde et n’en revienne jamais. Il réserve le même sort au pêcheur et au bûcheron qui se montreraient trop gourmand et endommagerait la nature. Sa faculté de métamorphose en fait un gardien de choix.

 Le Pombero, un être fourbe
Personnage turbulent qui sème le désordre dans les maisons, il cache les objets, disperse les animaux et vole de la nourriture Le Pombero guette les femmes, surtout celles qui n’ont pas été baptisées, afin de les posséder. Il violerait même celles qui oseraient remettre publiquement en question la virilité de leurs maris ! Certains disent qu’il aurait la capacité de féconder les femmes simplement en posant son doigt sur leur ventre.
La légende veut que cela arrive si les femmes solitaires non baptisées à qui il rend visite la nuit ne lui offrent ni miel, ni tabac. Pour ces raisons, soyez attentifs et ne vous en faites pas un ennemi, au risque de vous exposer à son courroux.

Un ami de taille
Si ce petit personnage aux nombreux pouvoirs se révèle être votre ami, vous pourrez en tirer de très nombreux avantages. En effet, il mène le chasseur au meilleures proies et suscite les bonnes prises pour les pêcheurs. Mais comment vous en faire un ami ? Il suffit de lui laisser, chaque nuit, pendant 30 jours consécutifs, des pots de miel, du tabac à chiquer ou des cigarettes. Le Pombero peut également s’avérer être un vrai allié pour retrouver des objets perdus. Il faut lui promettre une récompense, sous forme de tabac, et il retrouvera ce que vous lui demanderez.

LE YASY YATARÉ
Le Yasy Yateré qui effraye les enfants

Petit être aux cheveux blonds ondulés qui a entre 3 et 7 ans, le Yasy Yateré est un personnage qui incarne la lune. En effet, son nom serait une dérivation de “fragment de lune” en Guarani Cette légende est très connue dans la province de Misiones au Nord-Est de l’Argentine.

Le Yasy Yateré, voleur d’enfants
Enfant très mignon, mais sans oreilles et avec une odeur pestilentielle, il court tout nu dans la forêt. Il amadoue les petits qui essayeraient d’échapper à la sieste de l’après-midi. Il vit et se cache dans le tronc de grands arbres de la forêt tropicale.

Son rôle
Capturer les enfants et faire en sorte qu’ils le suivent et se perdent dans la jungle. Il paraîtrait qu’il les kidnappe et les garde avec lui un petit moment, les alimentant de miel et de fruits et jouant avec eux. Il leur lèche le visage afin d’annuler leur baptême. Puis, il les abandonnerait, idiots, sourds et muets, attachés avec des lianes. On raconte même qu’au bout d’un moment, les enfants retrouvent leurs capacité à penser, parler et entendre, mais que chaque année, lors de l’anniversaire de l’enlèvement, ils souffriraient de crises d’épilepsie. Très friand du maïs, on nous a raconté qu’il est très actif pendant la période de récolte.

Les accessoires du Yasy Yateré
Muni d’un sifflet, il imite de chant du perroquet. Certains disent qu’il s’agit plutôt d’une sorte de chant de coucou. Le Yasy Yateré se promène toujours avec un bâton d’or. Il est dit que son pouvoir d’attraction lui vient de là. Ainsi, il attire les enfants, surtout les garçons, avec son sifflet et les touche avec son bâton, ce qui lui permet de les garder sous son pouvoir. S’il perd ces deux instruments, il devient totalement inoffensif et se met à pleurer sans s’arrêter !
Comment s’en protéger ?
Cet être, tout comme le Pombero aime beaucoup le tabac. Mettez-en autour de la maison et sur les chemins qui mènent à la forêt, il vous laissera tranquille.
En réalité, les mères racontent cette histoire à leurs enfants afin de les dissuader de s’en aller faire des bêtises pendant la sieste. Mais bon, on ne sait jamais… Donc, si vous l’entendez approcher, préparez-vous à lui voler son bâton !

LE CHOUI CHOUI

Le conte du Chouí Chouí
Chouí était un petit indien qui vivait à Misiones avec ses parents. Sa peau était dorée par le soleil de la région et ses yeux en amande étaient noirs, comme tous les indiens de sa tribu. Mais le petit indien était différent des autres…
Alors que les autres enfants jouaient ensemble, lui préférait s’isoler dans la forêt et parler aux oiseaux, qu’il considérait comme ses meilleurs amis. Souvent, il s’asseyait sur le tronc d’un vieux Timbo et jouait de douces mélodies avec sa flûte, auxquelles les oiseaux répondaient. Le tout formait une musique harmonieuse. Il était courant de voir le jeune garçon assis dans une clairière et entouré d’oiseaux, voletant autour de lui.
Lors des journées de grande chaleur, Chouí se baignait dans les eaux d’une source, et les oiseaux venaient y barboter avec lui dans l’eau fraîche, s’y trempant les pattes et le bec. D’autres jours, le petit indien suivait silencieusement les chasseur d’oiseaux et les désarmait afin qu’il ne puissent pas capturer les animaux. Le chef de la tribu, très énervé à cause de cela, lui interdit de quitter le camp pendant plusieurs jours. Les oiseaux, avec qui il partageait des graines, lui ramenèrent du jus d’orange et du miel, transportés dans leurs becs, car ils savaient que le petit indien en raffolait.
Un jour, alors que Chouí jouait de la flûte dans une clairière, un colibri vint le voir, complètement désemparé : ses petits étaient dans leur nid, situé sur la branche d’un arbre attaqué par des fourmis “tueuses de forêt”, qui peuvent s’en prendre à une plante et la laisser sans vie en quelques minutes. Le petit indien, en voyant la mère pleurer pour ses petits, décida d’aller les sauver. Il monta à l’arbre et les fourmis l’attaquèrent violemment et couvrirent son corps. Malgré la douleur des piqûres, il parvint à attraper le nid et le lança au sol. Il sauva ainsi les oisillons. La souffrance était telle qu’il lâcha prise et tomba.

La transformation
Il resta ainsi, les yeux fermés et sans bouger. Les oiseaux, surpris puis désemparés, l’entouraient. Avec leurs becs, ils lui lançaient de l’eau afin de le faire se réveiller. Mais rien n’y fît. Ils comprirent alors que Chouí était mort. Tous les animaux de la forêt se mirent à gémir : Chouí est mort! Les écureuils, les crapaud, et même les cerfs étaient émus par la nouvelle. La douleur fut suivie par une grande quiétude : tous les animaux et toutes les plantes se turent, le soleil s’obscurcit, baignant ainsi la forêt d’un triste lumière dorée. Un par un, les oiseaux volèrent pour aller chercher, chacun, une fleur bleue. Il y en avait de toutes les tailles et de toutes les formes; mais toutes étaient bleues, les fleurs préférées de Chouí.
Petit à petit, la terre rouge de Misiones est devenue bleue, avec des oiseaux voletant de tous les côtés. Les couleurs de leurs plumes formaient un arc-en-ciel. Ils demandèrent au dieu Tupa, par leurs chants, de faire un miracle en transformant Chouí en oiseau, ce qui avait toujours été son rêve.
La légende raconte que de la montagne de fleurs s’envola un oiseau bleu, chantant “Chouí, Chouí“. Il disparut dans le ciel, suivi par des milliers d’autres oiseaux. Depuis ce jour, on peut observer, dans la forêt de Misiones (et surtout dans les orangers), un magnifique oiseau bleu qui chante Chouí, Chouí!

LA FLEUR DE CEIBO
La légende de Anahí

La légende de Anahí est aussi appelée la légende de la fleur du Ceibo. Ce beau récit raconte l’histoire d’une jeune fille indienne appartenant à la tribu des Guarani. Une tribu indomptable et belliqueuse. Ce mythe est devenu par la suite le symbole de l’Argentine et de l’Uruguay.

Bien avant que les Conquistador espagnols n’arrivent sur les terres indiennes, vivait au bord du río Paraná une jeune fille laide, nommée Anahí. Cependant, malgré sa laideur, elle savait capter l’attention des autres par sa voix et ses chants mélodieux. Elle chantait les soirs d’été, des éloges aux Dieux ou aux beauté de la Terre mère.
Il est dit que ceux  qui ont le privilège de la belle voix et partagent leur don à ceux qui sont proches, sont des âmes qui gagnent un peu de paradis pour l’au-delà.
Le jour ou les envahisseurs sont arrivés, les temps heureux sombrèrent dans le chaos. La tribu de Anahí, connu la guerre, et les pillages. Certains indiens furent emmenés de force et devinrent prisonniers et même esclaves de ces guerriers à la peau blanche. Malheureusement, Anahí en faisait partie.
Cependant, un soir, la sentinelle qui gardait les prisonniers s’endormi profondément, Anahí en profita alors pour s’échapper. Mais l’homme se réveilla au moment de sa fuite. Avant qu’il n’ait pu l’attraper, l’indienne lui planta un couteau dans la poitrine. Le cri du garde fit tellement de bruit que les autres soldats ne tardèrent pas à partir à la poursuite de Anahí dans les bois.
Furieux, les conquistadors attachèrent alors la jeune fille autour d’un arbre, et mirent le feu au bûcher.

L’étrange bûcher d’Anahai
Néanmoins, quelque chose d’inhabituel se produisit. Les flammes semblaient ne pas toucher Anahí. Exacerbés, les envahisseurs décidèrent de rajouter du bois pour alimenter le feu. Même si ce dernier grandit, les flammes n’éffleuraient jamais la jeune fille. Puis le feu et Anahí se sont transformés en bois, branches et feuilles. Les fleurs étaient rouges comme le feu.
La nature a décidé d’épargner la vie de cette fille qui chantait avec tant d’amour la beauté de la terre et des Dieux. Elle s’est donc transformée en un arbre pour qu’elle soit immortelle.

Ainsi, est né le premier arbre du Ceibo dans le monde.
Aujourd’hui, la fleur du Ceibo est le symbole de l’Argentine mais aussi de l’Uruguay. C’est l’une des fleurs les plus représentative de l’Amérique du Sud. Symbole d’une blessure qui n’est toujours pas guérie.

Le Soleil Rouge

Parmi les indiens de Mocoretà, il y en avait un, courageux et intrépide qui se nommait Igta . Et qui aimait la plus belle et la plus douce des femmes de sa tribu, Picazù. Bien évidemment, il avait l’intention de l’épouser. Les parents de Picazu consentirent à ce mariage. Mais pour eux l’approbation de la lune pour une telle union était indispensable. Ils demandèrent alors à Tuya devin de la tribu, de la consulter. Par une nuit sereine, où la lune blanche et brillante illuminait les campements des indiens, Tuya traduisit le message. « Cette lumière envoyée par la lune signifie qu’elle approuve l’union d’Igtà et de Picazu ».

Le mariage
Le chef de la tribu demanda alors à Igtà de prouver à tous qu’il était digne d’épouser la belle, en se laissant entraîner par les eaux de la lagune, et en revenant de la chasse avec de nombreuses prises. Igtà, qui était un excellent nageur et avait beaucoup chassé depuis son enfance, réussi les diverses épreuves avec grand succès. La cérémonie du mariage dura toute la nuit. On alluma un grand feu, autour duquel tous les indiens mangèrent, burent, dansèrent et chantèrent, célébrant cette union à cœur joie.

Le verdict de Tupá
Mais il manquait quelque chose pour que le bonheur de Igta et Picazù soit complet. S’assurer que Tupa, leur bon dieu, approuve également leur union. Ils attendirent alors patiemment le verdict de celui-ci. Cependant, lorsque à la nuit tombée, une pluie copieuse, symbolisant les larmes du Dieu Tupà se fit sentir, marquant ainsi le refus de ce dernier. Igtà et Picazu ne pouvaient alors plus être ensemble au sein de la tribu, ils devaient fuir et se laisser entraîner par les eaux de la lagune. Il existait une île où mourraient tous ceux qui s’étaient mariés contre la volonté de Tupà, nos deux amants devaient s’y isoler et ne jamais plus revenir.

Leur départ
La pluie cessa le jour suivant, et en début de soirée Igtà et Picazù se jetèrent à l’eau et commencèrent à nager. Les indiens attroupés autour du fleuve, les insultaient et les maudissaient au fur et à mesure qu’ils les voyaient s’éloigner, afin d’éviter le châtiment de Tupà, Igtà, nageur habile, réussi à avancer tout en aidant sa compagne. Ils leur manquaient peu pour atteindre l’île sains et saufs. Mais c’est alors que Nuati, démoniaque guerrier de la tribu, leur lança une flèche, suivi par tous les indiens de la tribu qui l’imitèrent, et les deux amants, blessés par les flèches, disparurent de la surface de l’eau.

Une fin heureuse
A ce moment précis le soleil pris une intense couleur rouge vif qui teint l’eau et illumina de rouge les champs et le ciel. Les indiens, pris de peur, fuirent rapidement des bords de la lagune. Au même moment, Igtà et Picazù, certainement aidés par le dieu Tupà en raison de leur bonté, réussirent à se sauver et à atteindre l’île, où il purent vivre ensemble et heureux.

L’apparition du Mate

La nuit venue la lune Yaci illumine depuis le ciel la végétation sur terre et déguise l’eau de couleurs argentées. Mais tout ce qu’elle pouvait voir du ciel était des feuillages touffus qui laissaient à peine passer la lumière de ses rayons. Curieuse, elle désira voir par elle-même les merveilles qui lui avaient été racontées par le soleil et par les nuages. Le chant des colibris, le mouvement des fougères, et les becs luisants des toucans.

La descente sur Terre
Un jour, elle descendit sur terre, accompagnée d’ Arai le nuage. Et, transformés en femmes, elles commencèrent à parcourir la jungle ensemble. La mélodie de cette dernière les envoûta. Et pour cette raison elles n’entendirent pas les pas silencieux du jaguar qui s’approchait. Prêt à bondir. Mais à ce même instant, une flèche envoyée par un vieux chasseur guarani vint s’implanter droit dans les côtes de l’animal. Puis une deuxième flèche le transperça. Tandis que le jaguar agonisait, l’indien cru surprendre deux femmes s’échapper. Mais quand le silence se fit sentir il ne vit rien d’autre que les arbres et l’obscurité de la forêt.

Le cadeau de la lune
Cette nuit-là, allongé dans son hamac, le vieux fit un rêve fabuleux. Il vit à nouveau le jaguar, lui-même tirant sur la corde de son arc, et deux femmes à la peau blanche et aux cheveux longs. Elles paraissaient l’attendre. Et lorsqu’il se trouva à côté d’elles, Yaci l’appela par son nom et lui dit : «Je suis Yaci et voici mon amie Arai. Nous souhaitons te récompenser pour nous avoir sauvé la vie. Tu as été courageux, et pour cela je vais t’offrir un présent et un secret. Demain, lorsque tu te réveilleras, tu trouveras devant ta porte une nouvelle plante, nommée caá. Avec ses feuilles se réalise une infusion qui attire les cœurs et chasse la solitude. C’est mon cadeau pour toi, pour tes enfants et pour les enfants de tes enfants… »

Au petit matin
Le matin suivant, le vieux et les familles Guaranis qui vivaient dans une même et grande maison trouvèrent devant leur porte une plante aux feuilles luisantes et ovales. Le chasseur suivit les instructions de Yaci í. Il n’oublia pas de faire griller les feuilles. Et une fois moulues, il les tassa au sein d’une courge creuse. Il chercha alors une fine canne, ajouta de l’eau et goûta le nouveau breuvage. Ainsi naquit le mate. Dont le secret se transmit de génération en génération.5

Mythologie guaranie

La mythologie guaraníe fait référence aux croyances du peuple guarani localisé dans la zone amazonienne de l’Amérique du Sud , et plus spécialement les peuples originaires du Paraguay et des régions entourant l’Argentine, le Brésil et la Bolivie

Il n’existe aucune trace écrite des anciens mythes associés au peuple guaraní. La langue guarani ne fut transposée sous forme écrite qu’avec l’arrivée des Jésuites qui développèrent une graphie et une grammaire propre. Avant cela, la totalité de leurs croyances religieuses n’était donc transmise que par voie orale. Ceci explique pourquoi les récits sur les dieux, et les mythes et légendes associés, peuvent varier d’une région à une autre. Les différences régionales peuvent être tellement importantes qu’elles attribuent parfois un rôle différent à une même divinité.

Bien qu’un grand nombre de peuples d’origine guaraníe se soient intégrés à la société moderne et que leurs croyances aient été altérées ou remplacées par le christianisme (dû en grande partie au travail d’évangélisation des missionnaires jésuites du XVI° plusieurs de leurs croyances profondes sont toujours en vigueur dans les zones rurales de la région guaraníe. Les mythes et légendes peuvent ainsi se perpétuer à notre époque.

Mythes fondateurs

Contrairement à ce que l’on pensait, le peuple guaraní n’était pas monthéiste . Aussi, bien que Tupá fut une divinité de premier ordre, il existait d’autres dieux suprêmes qui créèrent la « Terre sans Mal » et qui sont à l’origine des autres dieux. Les missionnaires jésuites tireront avantage de la place centrale de Tupá en l’identifiant au dieu chrétien pour détourner le sens initial du grand mythe fondateur.

Théogonie et cosmogonie guaraníes

Les Guaranís croyaient qu’à l’origine des temps était le chaos , formé de la nébuleuse primitive (Tatachina) et des vents originels. Ñamandú, aussi appelé Ñanderuvusú, Ñanderuguasu (« notre grand-père ») ou Ñanderu pa-patenonde (« notre premier ancien grand-père ») se créa lui-même à partir du chaos.
Le processus d’autocréation de Ñamandú se divise en étapes, à la manière d’une plante : il se basa sur ses racines (les divines plantes des pieds), étendit ses branches (des bras avec des mains bourgeonnantes de doigts et d’ongles), construisit sa cime (un diadème de fleurs et de plumes Yeguaka) et se dressa comme un arbre. Une fois sa création achevée, le cœur de Ñamandú commença à rayonner, ce qui élimina les ténèbres primitives. Il décida ensuite de créer la Parole Créative (Ayvú) qui sera par la suite confiées aux humains pour permettre le développement du langage.
Il termina la création de son corps en générant les autres dieux principaux qui l’aideront à accomplir sa lourde tâche : Ñanderu py’a guasu (le père des mots, littéralement « Notre père au grand cœur »), Karaí (le maître des flammes et du feu solaire), Yakairá ou Yaraira (le maître de la brume, du brouillard et de la fumée de pipe que respirent les chamans) et Tupã (le maître des eaux, des pluies et du tonnerre). Il leur fut accordé la conscience de leur propre divinité et l’essence sacrée de l’Ayvú.

Les quatre compagnons procédèrent alors à la création de la première Terre. Ñamandú croisa deux bâtons indestructibles et posa la Terre dessus. Afin de s’assurer que les vents originels ne l’emporteraient pas, il l’attacha à l’aide de cinq palmes sacrées : une au centre et les quatre autres à chaque extrémité. Une en direction de la demeure de Karaí (vers l’ouest), la seconde en direction de l’origine des vents nouveaux (au nord), la troisième vers la demeure de Tupã (à l’est) et la quatrième en direction de l’origine de l’espace-temps primitif (au sud). Le firmament repose sur ces colonnes.

À côté de cette terre, nommée Yvy Tenonde (la Terre Originelle), il créa la mer, puis le jour et la nuit. Ils commencèrent à la peupler d’animaux et à créer les premières plantes. Les hommes apparurent par la suite et cohabitèrent avec les dieux. Les hommes, les animaux et les plantes qui habitent ce monde ne sont qu’un simple reflet de ceux créés à l’origine par Ñamandú.

Le cycle des deux frères

Ñamandú rencontra Ñanderu Mba’ekuá (« notre père savant ») et lui proposa y de partir en quête d’une femme. Pour cela, ils construisirent un récipient de glaise et le recouvrirent. Quand ils le rouvrirent, Ñandesy (« notre mère ») en ressortit.
Ñandesy fit l’amour avec les deux dieux et engendra un fils de chacun. Quand Ñamandú eut vent de l’adultère de sa femme, il récupéra ses affaires et se retira dans sa demeure céleste. Abandonnée, Ñandesy partit à la recherche de son mari mais elle se perdit en chemin et fut dévorée par des jaguars avant d’avoir pu accoucher. Néanmoins, étant d’origine divine, les enfants survécurent et furent nourris par la grand-mère des jaguars. Les jumeaux se prénommaient Ñanderyke’y (le grand frère), fils de Ñamandú; et Tyvra’i (le petit frère), fils de Ñanderu Mba’ekuá.
Après une succession d’aventures et de mésaventures, les problèmes continuèrent avec Añá (l’oncle mais néanmoins ennemi des jumeaux) qui tenta de leur rendre la vie impossible. Les deux frères réussirent à se mettre à l’abri en rejoignant la demeure éternelle de Ñamandú. Ils y retrouvèrent également leur mère qui avait été ressuscitée par son époux. Une fois là-bas, Ñamandú leur accorda des pouvoirs divins et attribua le contrôle du Jour à Ñanderyke’y, qui changea alors de nom pour Ñanderu Kuarahy (“notre père le Soleil l”), et celui de la nuit à Tyvra’i, qu’on appela alors Ñanderu Jasy (“notre père la Lune”).

Le cycle du Déluge

Destruction de la première Terre et création de la seconde Terre
Sur Yvy Tenonde, la première Terre, les hommes vivaient aux côtés des dieux. Ils ne manquaient de rien et ils ne tombaient jamais malades. Cependant, l’un d’eux, nommé Jeupié, transgressa le plus grand des tabous : l’inceste, en couchant avec la sœur de son père. Les dieux punirent cet acte par un déluge (Mba’e-megua guasu) qui détruisit la première Terre et ils partirent vivre dans les cieux.
Ñamandú décida alors de créer une deuxième Terre, imparfaite, et sollicita l’aide de Jakairá qui répandit la brume vivifiante sur la nouvelle terre. Les survivants du déluge s’installèrent alors sur cette nouvelle Terre où régnaient la maladie, les douleurs et les souffrances. Les hommes de cette nouvelle Terre, appelée Yvy Pyahu, cherchèrent dès lors à retourner vers la première Terre, la « Terre sans Mal ».

La troisième Terre

Les mythes guaranís transmis par la tradition orale parlent d’une troisième reconstruction qui donnerait jour à une Terre sans imperfection. Malgré tout, bien qu’ils attendent l’arrivée de cette nouvelle Terre, les hommes peuvent avoir accès à Yvymara’e&ytilde; dès lors qu’ils observent un comportement irréprochable vis-à-vis de la communauté. Ni les punitions, ni la malchance ou les épreuves n’existeront sur cette Terre mythique.

Mythe guaraní de la Création

Tupã est la première figure qui apparaît dans la plupart des légendes guaraníes lors de la création du monde. Il s’agit du dieu suprême de toute création. Avec l’aide de la déesse lunaire , Arasy, Tupã descendit sur Terre sur une colline de la région d’Aregúa, au Paraguay, d’où il créa tout ce que l’on peut trouver à la surface de la Terre : océans, forêts, animaux… Il est dit également que les étoiles furent créées à cet instant.
Tupã donna ensuite naissance à l’humanité dans une cérémonie élaborée, où il façonna deux statues de glaise d’un homme et d’une femme, , à partir de plusieurs éléments de la Nature. Après avoir insufflé la vie dans ces formes humaines, il les laissa en compagnie des esprits du Bien et du Mal. Selon la plupart des mythes guaranís, le peuple guaraní était le premier peuple à prendre vie, dont descendent ensuite toutes les autres civilisations.
La création de l’homme n’apparaît sous cette forme qu’à partir de l’évangélisation des jésuites qui « fusionnèrent » les diverses histoires et légendes de héros mythiques guaranís. Tout correspondait alors à la Genèse du point de vue de l’anthropogenèse.

Humanité primitive

Les premiers humains à avoir été créés par Tupã était Rupave et Sypave, dont les noms signifient Père et Mère du peuple. Le couple eut trois fils et un grand nombre de filles. Le premier fils s’appelait Tumé Arandú, et était considéré comme l’homme le plus sage et comme le grand prophète du peuple guaraní. Le second, Marangatú, était un commandant bienveillant et généreux, et fut le père de Kerana, la mère des 7 monstres légendaires du mythe guaraní. Leur troisième fils, Japeusá, fut considéré dès sa naissance comme un menteur, un voleur et un escroc, qui n’agissait qu’à l’insu des gens pour en tirer avantage. Il finit par se suicider, en se noyant, mais ressuscita sous la forme d’un crabe, et depuis ce jour, tous les crabes sont condamnés à marcher à l’envers tout comme Japeusá.
Parmi les filles de Rupave et Supave, on trouve Porâs? qui se sacrifia courageusement pour débarrasser le monde de l’un des sept monstres légendaires en réduisant ses pouvoirs (et donc le pouvoir du Mal).
On considère que plusieurs des premiers humains ont effectué leur ascension à leur mort et devinrent ainsi des divinités mineures.

Les sept monstres légendaires

Keranan, la magnifique fille de Marangatú, fut capturée par la personnification ou l’esprit du mal appelé Tau. Ensemble, ils eurent sept fils qui furent maudits par la déesse Arasy. Celle-ci les rendit tous monstrueux sauf un. Les sept sont des personnages de proue de la mythologie guaraníe, et pendant que des dieux mineurs ou mêmes les premiers hommes sont oubliés, ces sept-là restent vivaces dans la mémoire collective. Dans certaines zones rurales, ils sont encore vénérés.

Les sept enfants de Tau et Kerana sont, par ordre de naissance :

* Teju Jagua, le dieu des cavernes et des fruits;
* Mbói Tu’i, le dieu des cours d’eau et des créatures aquatiques
* Moñái, le dieu des champs. Il fut vaincu par le sacrifice de Porâs? ;
* Jasy Jaterei, le dieu de la sieste, le seul à ne pas ressembler à un monstre ;
* Kurupi le dieu de la Sexualiité et de la fertilité ;
* Ao Ao, le dieu des collines et des montagnes  ;
* Luison, le dieu de la mort.

Autres dieux et personnages importants:

* Angatupry, l’esprit du Bien, l’opposé de Tau ;
* Pytajovái, le dieu de la guerre ;
* Pombero, l’esprit de la malice ;
* Caá Porá, fantasme féminin étrange et changeant de la jungle ;
* Caà Yari, maitresse du maté, déesse des cheveux argentés et qui récompense les hommes en leur offrant l’herbe du maté ;
* Abaanqui, le dieu à qui l’on attribue la création de la Lune ;
* Jurupari, un dieu qui ne peut être vénéré que par les hommes. Son culte n’est présent que dans des tribus isolées du Brésil ;
* Yande Yari, « la grand-mère », l’esprit de la rivière Parapetí en Bolivie.

Sources
* (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé «Guarani mythology » 

CULTURE ANDINE DU NORD DE L’ARGENTINE

LA FLOR DEL CARDON

Qu’est-ce que le cardón ?
Très répandu dans toute la région andine, le cardón est une variété de cactus particulièrement grand et avec une multitude d’épines pointues. Dans ces immenses vallées très sèches, cet arbre a tout de même la particularité d’être rempli d’eau : en effet, durant la nuit, ses épines jouent le rôle de condenseur et les gouttes sont absorbées par la plante. Cela peut être bon à savoir pour un homme perdu dans la vallée ! Selon les croyances, les cardones seraient des indiens ou des aigles transformés en arbres qui veilleraient sur la vallée et les montagnes et qui s’assurent que les tribus vivent en paix. Ce cactus fait de jolies fleurs blanches, qui ont une histoire particulière.

La légende de la flor del cardón
La légende de la flor del cardón raconte qu’il y a des siècles, un jeune indien était tombé amoureux de la fille du chef de sa tribu, mais ce dernier était totalement contre cette liaison. Un soir cependant, le prétendant s’enfuit avec la jeune fille. Les guerriers de la tribu les poursuivirent toute la nuit mais ne purent pas les rattraper. A l’aube, le couple atteignit un chemin plus étroit et bordé de cardones, et se piquèrent sur leurs épines. Au petit matin, leur sang avait fait fleurir de jolies fleurs blanches sur les cactus, et depuis ce temps, ces fleurs annonceraient la venue de la pluie et le temps des récoltes.
Selon une autre version de cette légende, les amants poursuivis auraient demandé l’aide de la Pachamama la Pachamama, divinité andine, qui les aurait recueilli et caché sous sa grande cape. Ainsi dissimulés, ils purent échapper aux guerriers et au chef de la tribu. Avec le temps ils se transformèrent, lui en cardón, et elle en sa fleur blanche qui s’ouvre par temps de pluie.

le Géant du Río La Troya

nord-ouest de l’Argentine, dans la province de Catamarca, est encore très marquée par la tradition Inca et ses nombreuses légendes.
La tradition Inca
Bien avant l’arrivée des Espagnols, les Incas avaient pour coutume de faire des offrandes à deux de leurs divinités, la Pachamama, déesse de la Terre (ou Terre-mère) et le Viento Zonda (le vent Zonda). Vent fort et chargé de sable. Ainsi, ils étaient donc protégés des dangers de la région et en particulier des géants qui voulaient tuer les tribus indiennes.
Déesse majeure dans la culture Inca, la Pachamama est une divinité vénérée pour être génitrice de vie. Mais également symbole de fécondité. Ainsi, c’est durant le mois d’août que le rituel de l’offrande débute dans le Nord-Ouest argentin.

La légende du géant du Río La Troya
Une année, le Viento Zonda fût si violent qu’il rendit aveugle l’un des géants assassins. Ne pouvant donc plus voir, celui-ci tomba dans la rivière de La Troya. Cependant les Incas étaient inquiets à l’idée que le géant puisse de nouveau retrouver la vue et sortir de la rivière, les Incas sollicitèrent l’aide de la Pachamama.
Celle-ci entendit leurs prières et demanda alors au vent Zonda de souffler sur la région durant tout l’hiver. Et ce, jusqu’au retour du printemps. Le géant était blessé et resta coincé pendant longtemps dans le Río.
Cependant, lorsqu’il pu enfin se déplacer, le niveau de l’eau avait tant monté que le géant se noya. Il fut transformé en pierre et resta emprisonné à tout jamais dans la rivière.
C’est donc depuis ce jour qu’on peut apercevoir la tête du géant, un énorme rocher en forme de visage à quelques kilomètres de la petite ville de Guatungasta.

A Suivre.

1 (4° de couverture de Contes animaliers d’Argentine, par Denise Anne Clavilier )
2 Ibid.
3 Edgardo Civalellero : Tradiition orale dans le Sud e l’Amérique Latine : les efforts de la bibliothèque pour sauver des sons et des histoires du silence.
4 Ibid
5 L’ensemble des récits si dessus ont été puisé dans le cite Argentine Info (https://argentine-info.com/).