La critique d’un spectacle de conte – Séminaire 6 – Appareil critique de l’art du conteur contemporain

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La critique d’un spectacle de conte – Séminaire 6

Pistes de travail proposées pour le séminaire: Comment construire les outils d’une critique ? Comment former des critiques ?  Pourquoi critiquer ?
De quoi avons nous besoin comme critique ? Comment la construire ?

En rappelant, la critique qui nous intéresse se situe dans l’analyse d’un spectacle, en dehors de tous jugements. Quel est le style ? Comment travaille la personne ?…

Après un tour de table, il est proposé l’analyse avec les éléments recueillis,  par exemple du travail de trois conteuses, conteurs : Catherine Zarcate, Bruno de La Salle, Jihad Darwiche, pour lesquels il existe beaucoup de « matière ». Ensuite sous des formes très différentes, le travail de, par exemple de  Pépito Matéo, Myriam Pellicane, Didier Kowarski…

1. Une culture du conte pour un regard critique, une écoute critique ?

  •  Culture du répertoire ?

Véronique Aguilar souligne l’importance d’une connaissance du répertoire à partir d’une expérience : « J’ai fait une version de « La jeune fille aux mains coupées » d’après celle tirée du « Delarue-Ténèze ». On m’a renvoyé : « Je préfère la version originale ». Est-ce une critique ?
A l’écoute des conteurs de la « Maison de la parole », ma petite connaissance du répertoire et de l’environnement du conte me permet de reconnaître des versions, les variations, je peux apprécier la tenue sur scène, le vocable….
Comment emmener le public en dehors d’une version écrite ?
Il y a souvent culture théâtrale et non culture du conte. Un critique a besoin d’une culture du conte, d’une relation au répertoire, d’une connaissance des variantes… cela reste une difficulté.
Il y a une version originale  et une actualisation. Faire entendre un récit ancien, redonner un sens aujourd’hui ou traduire pour partager une autre culture.
La position de critique serait : à partir d’un conte type , comment as-tu travaillé ta version? Quelle qualité « d’interprétation »? Quelle qualité de la traduction ? Le critique doit se documenter sur la culture originale du conte. Par ex. « La femme squelette » paraîtrait déformée pour un inuit.

  • Culture des styles ?

Importance de la construction, de la composition d’un récit; soit une version « originale », soit un jeu avec des déplacements, des incursions de séquences d’autres versions…
Ainsi l’exemple donné par Pascal Quéré : la version de Geneviève Massignon de La Belle au Bois Dormant qui commence par le prince perdu à la chasse et qui arrive devant un château…
Au conteur de préciser son travail : transmettre ou non une culture?
Dans la tradition, le conte devait être retenu. Avec les outils de captation, d’autres registres sont apparus.

  •  Culture des contextes ?

Importance de la compréhension du contexte pour le regard critique. Dans quel cadre le conteur se produit-il ? Dans quel système ? Une bibliothèque, une scène avec de la technique…
Où et comment se situe cet artiste ? Ces artistes? Connaître la biographie du conteur. Un ensemble de critères nécessaires pour comprendre l’artiste, les œuvres, et l’œuvre présentée.

2.  Le critique: un conteur, un professionnel, le public ?

De nouveau émerge ici la notion de « qualité » du public : amateur, réseau du conte, public « lambda »…qui, lui, n’a pas forcément la notion de « version ».
Que viennent chercher ces différents publics ? Un moment agréable, une matière pour alimenter un travail….
Comment emmener le public en dehors d’une version écrite ?
Celui qui assiste à la représentation est-il un spectateur ou un auditeur ?
Faut-il que le critique ait lui-même conté? Difficile pour un conteur d’être critique sur cet art.
Difficulté de la critique : analyse du récit et s’interdire le jugement
Les critiques sont différents. Ils ont leurs axes de travail et ne sont pas toujours en accord entre eux. Actuellement la référence pour la critique est la culture théâtrale.
Pour l’art du conte, l’outillage culturel du critique est-il suffisant ? Par exemple, les contes composites comme le conteur Pierre Pousse contant une version de Jean de l’Ours qui peut inclure 3 autres contes à l’intérieur.
La critique est différente si la personne a une connaissance théorique ou pratique du conte.
Pourquoi critiquer ? Forger la matière chez le public qui, petit à petit, devient promoteur de l’art ?

3.  Alors former les critiques ?

Former les critiques serait-ce former des gens à comprendre que le conte n’est ni du théâtre, ni de l’écrit ?
Former les critiques passe par la construction d’une culture du conte.
Les critiques de théâtre ne peuvent-ils pas faire la critique du conte? Leur connaissance concerne la matière théâtre: écriture dramaturgique, répertoire…. qu’ils ne possèdent pas pour le conte.
Des tentatives de réflexions, colloques avec des conteurs, dramaturges, metteurs en scène, sont restées sans suite.
Nous devons poser des référents si l’on veut que des journalistes s’y intéressent
Il existe des formations à la critique pour les autres arts. Le conte a besoin d’un vrai chantier de formation. Former des gens à la complexité. Avant tout, il y a besoin d’un socle, d’une connaissance minimale de cet art du conte pour appuyer une première réflexion critique et construire une « formation de critique de cet art ».

4. Le « critique idéal » existe-t-il ?

Intéressant d’avoir des regards multiples (plusieurs critiques), ouverts sur l’environnement de l’art concerné (cf. recherche de Laurence Louppe sur la danse)
Autour du conte ? Pourquoi le renouveau du conte aujourd’hui?  Qu’est ce qu’il apporte de plus ?
Sans regroupement des informations il est difficile de donner du sens, une valeur à cet art; en résulte un manque de reconnaissance (et de développement), public et/ou institutionnel, sur un art majeur pour la société.
Notion de traduction (dans le cadre d’un travail sur l’interculturalité) : le conte, outil essentiel d’une mondialisation intelligente (fondamentaux culturels, diversité…) a besoin de traducteurs au delà d’une ré-appropriation artistique qui peut ne rien dire de la culture originelle ; travail du critique (conte, culture…)
Traduction : capacité à transmettre la plénitude d’une culture qui n’est pas la sienne.
Premier travail du critique savoir où se situe l’artiste dans les divers courants. Le conte, comme art émergent, n’est plus dans la transmission.

Nécessité pour le conteur de communiquer sur ses intentions pour alimenter la critique et nécessité pour le programmateur de préciser son intention de programmation.
Solitude de l’artiste : manque d’un environnement qui l’aide à formuler (dossier de presse, intention…), manque d’outils pour rendre les démarches intelligibles.

5. La critique : des outils à construire

Exemple du cinéma: la critique est-elle venue en même temps que le cinéma?
Dès les premiers films (Meliès). Premières critiques parlent de la spécificité de cet art (trucages, systèmes, perception du regard…). Univers photographique pré-existant.

Et le conte ? Actuellement les critiques existantes se réfèrent au littéraire. Qu’en est-il de l’art de la narration, art populaire à l’origine, art de la transmission, hors du monde de spectacle? D’où absence de construction d’une critique?
Un travail important est à faire entre artistes et chercheurs.

Des outils sont nécessaires. Le travail en commun des séminaires y contribue :
– Lister les besoins pour critiquer un spectacle de conte
– Construire une grille
et en septembre à la fin du séminaire, faire ces propositions pour mettre en réflexion et transmettre aux écoles d’art, de journalisme, critique d’art, personnes extérieures à l’univers du conte.

6. Essai de grille

A partir de 5 items :

  • Répertoire :  Classique (ATU et autres genres) / Contemporain (Récit de vie, auteurs) / Origine culturelle (5 continents, traduction)
  • Conteuse/conteur : Parcours artistique (Spectacles, publications, enregistrements, personnel) / Culture personnelle
  • Style : Construction / Improvisation / Composition / Être en présence (présentation du travail en public) / Performance / Intention / Courant / Influences
  • Contexte : Programmation / Conditions techniques / Communication / Public / Statut / Reconnaissance / Institutions
  • Autres : Formation / Expression de la pensée / Accompagnement musical / Compagnons de création, collectif

A partir de cette grille, des essais de critique sont expérimentés sur trois artistes : Jihad Barwiche, Catherine Zarcate et Bruno de la Salle, puis sur Didier Kowarski, Michelle Nguyen, Myriam Pellicane, Nadine Walsch (Québec), Pepito Mateo, Jeanne Ferron, Fred Pellerin (Quebec), Olivier Derobert (Québec)

6. La grille : Remarques après expérimentation

La critique : où se trouve la personne qui conte? Dans quelle catégorie? Le répertoire? Le courant?

  • Les courants

Conteurs très proches du traditionnel
Autres formes narratives
Des sous catégories
Le narrateur (je, il…)
Faire rire le public
Traditionnel, structure forte et improvisation

  • Conteur, pas conteur

Nécessaire de clarifier les styles, mode, répertoire, courant… car difficulté de répondre à conteur/pas conteur?
Il existe des passerelles entre conte (conteur) traditionnel et conte (conteur) contemporain
Travail de médiation plutôt que de séparation (dans la recherche de l’appareil critique)
Trouver ce qui donne du sens à la pratique actuelle qui propose de plus en plus une rupture avec la tradition (nouvel art du conte?)

  • Point commun : la trame du conte

Point de vue de l’ethnologue : chercher les récits qui font sens pour la communauté, élaboration du sens dans l’histoire, d’où l’intérêt pour les contes traditionnels (pour comprendre le contemporain).
Actuellement 10% des gens qui pratique le conte sont des conteurs, les autres l’utilisent dans leur pratique (psychologie, pédagogie…) : la trame du conte est le point commun.

  • La question de l’appareil critique

La transmission du conte traditionnel n’est pas le lieu de l’art. Dans l’appareil critique, la question de l’art est posée.
Le critique permet de trouver le public qui correspond à  » tel conteur ».

Prochain Séminaire – 21 mai 2014 : Préparation, élaboration d’une nouvelle grille

Etaient présents : Véronique Aguilar, Anne Dambrin, Pascale Rouquette, Nicole Galzin, Danièle Rieux, Gille Crépin, Geneviève Recors, Pascale Quéré, Anne Gomez, Françoise Cadène, Evelyne David, Marc Aubaret.

A consulter
« Les conteurs se racontent », Maria Patrini, Ed. Slatkine, Genève, 2002
« Le renouveau du conte », Geneviève Calame-Griaule, CNRS Eds, 1999
« Notion de l’œuvre orale », Philippe Sahuc, Rapport de recherche, Ass. CORDAE/La Talvera, 2001
« Fantasmes d’artistes », Daniel Sibony, Ed Odile Jacob, 2014

Pour aller plus loin

Détails

Date :
8 avril 2014
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Organisateur

CMLO
Phone
04 66 56 67 69
Email
isabelle.cerrito@euroconte.org
Voir le site Organisateur

Lieu

Locaux du CMLO, 2, bd Louis Blanc- Espace André Chamson – Place Henri Barbusse -30100 Alès
15, quai Boissier de Sauvages
ALES, Gard 30100 France
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